CRISPR-Cas9 : Espoirs et dangers


AOUNZOU Hafsa - CASIMIR Clémence - COHIGNAC Valentine -FUMALLE Frédéric - MACHU Camille - MNASRI Lydia - NARBONI Laura


Liste des abréviations:
-          CRISPR: Clustered Regularly Interspaced Palindromic Repeats
-          ADN: Acide Désoxyribonucléique
-          ARN: Acide Ribonucléique
-          CCR5: C-C chimiokine de type 5
-          VIH: Virus de l'immunodéficience humaine




Introduction


Suite à la découverte de la double hélice d’ADN par crick et Watson en 1953, la génétique a beaucoup évolué. En effet, depuis 1970 des outils existent afin de modifier le génome génétique. Ceux-ci étant très coûteux, peu efficace et encore trop complexe le domaine du génie génétique a continué ses recherches et c’est en 2015 qu'apparaît le CRISPR-Cas9. CRISPR signifie: “Clustered Regular Interspaced Short Palindromic Repeats” et traduit en français: “Répétitions palindromiques regroupées courtes espacées et régulières” et -Cas9 correspond à l’endonucléase (protéine/enzyme) qui coupe l’ADN.
Le CRISP-Cas9 présente t-il plus de dangers que d’espoirs ?
En premier lieu, nous verrons la structure de ce CRISPR-Cas9 et son fonctionnement. Puis nous nous centrerons sur l’espoir que ces inventeurs ont créé et les avantages de cette méthode. Néanmoins nous n’oublierons pas de vous présenter également les inconvénients de celle-ci. Enfin, nous terminerons par les limites de cette enzyme auxquelles sont toujours confrontés les scientifiques et les dangers que cette méthode peut provoquer.


I.      Présentation du CRISPR-Cas9


1.       Structure


Le Clustered Regularly Interspaced Palindromic Repeats (Crispr) Cas-9 est un nouvel outil génétique qui se répand très rapidement dans les laboratoires du monde entier. En effet, il possède cet atout qui le rend révolutionnaire : une facilité d’utilisation dans l’étude des gènes. Cette nouvelle révolution pourrait représenter un réel espoir pour le traitement de maladies génétiques incurables. D’où provient initialement cet outil ? Retour en 1987. Dans un laboratoire de l’université d’Osaka au Japon, le biologiste Atsuo Nakata découvre des séquences d’Acide Désoxyribonucléique (ADN) répétitives dans le génome de la bactérie Escherichia coli. Il constate que dans certaines parties de ces séquences les quatre lettres constituant l’ADN, adénine (A), guanine (G),cytosine (C), et thymine (T) forment des suites immédiatement suivies par ces mêmes suites en sens inverse. Ainsi elles peuvent se lire dans les deux sens, formant donc des palindromes. Ces séquences énigmatiques n’intéressent au départ pas grand monde car elles semblent ne servir à rien de précis. Par la suite en 2002  des scientifiques leur attribuent un nom officiel : CRISPR pour Clustered Regularly Interspaced Palindromic Repeats, correspondant à leur conformation au rôle encore inconnu. Trois ans plus tard, des bio informaticiens découvrent que les morceaux d’ADN insérés entre ces palindromes sont en général des morceaux d’ADN de virus ayant la capacité d’infecter les bactéries. En 2007 l’entreprise danoise Danisco fait une découverte qui va permettre de comprendre potentiellement le rôle de ces palindromes. En effet, les chercheurs de l’entreprise constatent que parmi les Streptococcus thermophilus qui ont dans leur séquence CRISPR survivent mieux aux infections.C’est comme si ces bactéries archivaient dans leurs séquences CRISPR, l’ADN des virus qui les avaient déjà infectés auparavant, puis s’en servaient par la suite pour repérer ces virus et les tuer. Les principaux mécanismes de cet outil sont décryptés par deux femmes, Jennifer Doudna et Emmanuelle Charpentier.

2.       Fonctionnement


Le CRISPR Cas-9 inventé par la française Emmanuelle Charpentier et l’américaine Jennifer Doudna est reconnu pour son utilisation simple, mais qu’en est-il de son fonctionnement?
Afin de comprendre le système CRISPR Cas-9 il faut avoir en tête l’image d’une paire de ciseaux qui permette de couper une séquence spécifique d’ADN afin de la remplacer par une autre. Comment ces ciseaux fonctionnent-ils? Pour découper des segments d’ADN il est nécessaire tout d’abord de fabriquer de l’Acide Ribonucléique (ARN) qui est une molécule très proche de l’ADN mais composé d’un seul brin contenant ici une séquence CRISPR. Cet ARN obtenu sera complémentaire de l’ADN et les scientifiques vont chercher à le fabriquer de manière à ce qu’il reconnaisse précisément la séquence ciblée. En plus d’avoir cette capacité en tête de molécule de reconnaître et compléter la séquence d’ADN, l’ARN possède à l’extrémité opposée la capacité d’attirer la protéine (Cas-9), une méganucléase, et de lui servir de support.

Les méganucléases sont des enzymes capables de couper l’ADN. La Cas-9 a la propriété de couper les deux brins de l’ADN l’un en face de l’autre de manière symétrique.
La séquence d’ADN possède alors un trou que la cellule va vouloir réparer en recollant les extrémités des 2 morceaux d’ADN. Deux possibilités apparaissent alors:

      Soit le processus de réparation va instinctivement, une fois avoir reconnu l’absence de séquence de jonction modèle, ajouter ou enlever quelques nucléotides aux deux extrémités d’ADN jusqu’à pouvoir les recoller. Cette possibilité provoque des anomalies dans la séquence d’ADN étudiée. Le gène devient alors inactif ou parfois aléatoirement (et rarement) réparé.

     Soit les chercheurs vont apporter une séquence d’ADN synthétisée. Ici le processus de réparation va alors intégrer cette séquence, sans aucune anomalie, au niveau de la coupure et donc combler le trou. Le gène est alors modifié et réparé. Cette technique est celle découverte par l'américaine et la française.


Gunilla Elam / Science Photo Library / Cosmos
Figure 1: Schéma du fonctionnement de CRISPR-Cas9 [4]
Légende:
-       En bleu: ADN génomique
-       En violet: Protéine cas-9
-       En vert: ARN guide
-       Action au niveau de l’ADN: appariement puis coupure de la séquence d’ADN.
-       En rouge: ADN étranger qui répare la séquence ciblée en comblant le trou

Cette méthode simple encourage énormément les chercheurs qui peuvent alors corriger un ADN défectueux, changer des vies, et continuer à faire avancer la science.

II.   Avantages et inconvénients


1.       Avantages


La méthode CRISPR-Cas9 est de plus en plus utilisée dans les laboratoires car elle possède plusieurs avantages. Tout d’abord, elle est simple. D’autre part cette technique est rapide, une rapidité qui est liée à la simplicité du système. Enfin elle est moins coûteuse, puisque l’obtention d'ARN sur mesure fait appel à des techniques de routine en biologie moléculaire.
De nombreuses expériences ont démontré le succès de cette technique, en 2014 par exemple, elles ont montré sa capacité à corriger des maladies génétiques sur des souris. En 2016, une équipe de l’institut de technologie du Massachusetts a réalisé le potentiel médical de CRISPR-Cas9. Ainsi des chercheurs l’ont utilisé pour corriger la maladie inguérissable du foie chez la souris. Après l’injection du gène dans des cellules malades, cette expérience a permis à certaines de redevenir saines et de pouvoir proliférer.  Cette avancée scientifique est très importante notamment  dans le domaine de la santé. En effet, le fait d’enlever avec précision un gène porteur de virus est une possibilité de faire disparaître des maladies chez certains patients. Depuis trois ans, des tests ont démontré que la méthode peut stopper la multiplication de cellules cancéreuses ou rendre inefficace  le gène C-C chimiokine de type 5(CCR5), qui joue un rôle dans le développement du Virus de l'immunodéficience humaine (VIH).
En plus de rendre inefficaces les gènes défaillants, les scientifiques pourraient utiliser cette méthode pour insérer ceux de leur choix dans un génome. Un laboratoire de Harvard situé à l’université de cambridge, essaye actuellement de modifier l’ADN de moustiques africains pour que ces derniers ne puissent plus transmettre la malaria. L’expérience n’a pas encore fonctionné pour le moment. 

2.       Inconvénients


Si la CRISPR-Cas9 présente des avantages et semble révolutionnaire, elle n’est tout de même pas parfaite et occasionne des inconvénients.
Lorsque le CAS-9 coupe l’ADN, la cellule essaye de remédier à la lésion. Mais ce processus de réparation n’est pas totalement fiable, et génère des erreurs, notamment dans le séquençage qui pourrait engendrer des mutations non-désirables. Ce fût le cas de deux souris (traité à l’université de Columbia), qui après la modification de leur génome par la protéine ont présenté 1500 mutations inattendues. Les souris ne présentent pas pour autant de souffrance mais ces mutations pourraient provoquer des cancers ou d’autres pathologies sur le plan génétique.
Il subsiste également un problème éthique, en effet si cette enzyme permet de modifier l’ADN, elle pourrait aussi permettre de créer un ADN “surhumain”, d’espèces différentes, ce qui serait dangereux voire catastrophique. Son usage pouvant être détourné, la CRISPR-Cas9 n’est pour l’instant pas commercialisable aux laboratoires et aux industriels.
Toutefois, les inconvénients ne sont pas exhaustifs. Aujourd’hui, nous ne pouvons encore conclure sur ceux-là. En effet, la technique du CRISPR-Cas9 est encore récente, rien ne peut être encore réellement prouvé. Nous ne pouvons encore parler que de risques.

III.  Limites et risques


1.       Limites de l’activité de l’enzyme


L’arrivée de cette nouvelle méthode de modification génétique a fait naître chez les scientifiques l’espoir d’éradiquer la malaria (ou paludisme). Cette maladie est provoquée par un parasite qui se propage grâce à certains moustiques. En laboratoire les scientifiques ont réussi à avoir des résultats satisfaisant cependant si on appliquait cette méthode dans la nature les résultats risquent de ne pas être les mêmes. En effet, en laboratoire le succès de l’expérience est dû au forçage génétique or dans la nature, avec la diversité et le grand nombre de moustiques l’action de CRISPR-Cas9 serait limitée. De plus, en laboratoire des mutation involontaires provoquant une cécité ont été constaté notamment chez la souris.
L’efficacité de CRISPR-Cas9 pourrait aussi être réduite par le fait qu’une  partie de la population est immunisée par des anticorps (65 à 80%) ou des globules blanc spécifiques (46%) à la protéine CRISPR-Cas9. Cela a été révélé par des recherches faites par des chercheurs de l’université de Stanford. N’oublions pas que cette protéine a une origine bactérienne et que les scientifiques l’ont modifiée. La  plupart proviennent soit de Staphyloccocus aureus soit de Streptococcus pyogenes. Une grande partie de la population est porteur sain pour ces deux types bactériens bien que ceux-ci puissent être pathogènes. C’est pour cela que la quasi totalité des adultes de la planète possède des anticorps contre la protéine Cas9 de ces bactéries. Donc si on veut traiter quelqu’un avec CRISPR-Cas9 celle-ci ne pourrait pas agir correctement et entraînerait une réponse immunitaire qui entraînerait des complications.[9]
Enfin, il existe aussi des personnes possédant des globules blancs anti Cas-9. Malgré le fait que la protéine Cas9 soit modifiée dans CRISPR-Cas9, elle serait quand même reconnu par les lymphocytes T ce qui provoquerait l’élimination de la protéine: le traitement perdra alors son efficacité. Il est aussi possible que la protéine produise d’autres molécules lorsque celle-ci est reconnue par les défenses de l’organisme. Dans ce cas d’autres cellules immunitaires lutteront contre les molécules ce qui provoquera une réaction inflammatoire qui pourrait être dangereuse pour le patient. [9]

2.       Risques


En 2015 des scientifiques chinois de l’université Sun-Yat-sen ont testé la technologie CRISPR-Cas9, pour la première fois sur des embryons non viables humains. Le but était de voir l’efficacité de cette méthode pour corriger les gènes responsables de la β-thalassémie. Ici cette technologie est utilisée à des fins scientifiques mais celle-ci  pourrait très bien présenter un risque pour la société car elle pourrait nettement œuvrer en faveur de l’eugénisme.[2] En effet, quelques chercheurs comme ceux travaillant au centre de San Francisco ne pensent pas que cette découverte soit suffisamment contrôlée pour éviter les dérives. Certaines personnes pourraient alors modifier des parties du génome qui ne nécessitent aucune modification afin de modifier physiquement (sexe du bébé, couleur des yeux...) un embryon. (cf figure 2) C’est pour cela que cette technologie alimente les débats éthiques. De plus, ils pensent que l’abus de cette technologie créerait encore plus d’inégalités dans la société. En effet, il y aurait clairement un fossé encore plus important entre les populations riches qui auraient les moyens de payer pour leurs enfants tous les avantages d’un point de vue génétique et les populations les plus pauvres qui eux auront pas accès à cette technologie.
Figure 2: Caricature dénonçant l’eugénisme (risque des modifications génétiques)

Un autre risque est l’effet appelé off Target qui se traduit littéralement par effet hors cible. En effet, les scientifiques chinois ayant mené l’expérience dont nous avons parlé précédemment ont pu constater que quelques embryons avaient bien la mutation voulue mais aussi des mutations non voulues sur d’autres parties du génome. Cette découverte a ouvert un grand débat dans le milieu scientifique, certains scientifiques remettent en question l'efficacité de CRISPR-Cas9 alors que d’autres, spécialisés dans ce domaine, montrent que ces erreurs n’arrivent que très rarement et que d’autres mutations arrivent de manière naturelle. En théorie celles-ci ne sont pas nuisibles. Afin de limiter le risque de hors cible, il faut donc connaître  les parties du génome à modifier traiter afin d’être qui le gène qui sera exprimée n'entraîne pas d’effet non prévus. [5]



















Sources:

Sitographie

  1. Anonyme.(2017).Fondation pour la recherche médicale: CRISPR-Cas9: un outil génétique révolutionnaire.https://www.frm.org/crispr-cas9-outil-genetique [consulté le 21/03/2018]]

  1. BRALY Jean Philippe.(3/08/2017).Sciences actualité:CRISPR-cas 9 le couteau suisse qui révolutionne la génétique.http://www.cite-sciences.fr/fr/ressources/science-actualites/detail/news/crispr-cas9-le-couteau-suisse-qui-revolutionne-la-genetique/?tx_news_pi1%5Bcontroller%5D=News&tx_news_pi1%5Baction%5D=detail&cHash=37ce7a688e0683ccfe5178db483d8b84 [consulté le 17/03/2018]

  1. BERTRAND Jordan.(17/11/2015).Médecine/Sciences: CRISPR-Cas9, une nouvelle donne pour la thérapie génique. https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2015/12/medsci20153111p1035/medsci20153111p1035.html?mb=1 [consulté le 22/03/2018]

  1. GALANOPOULO Léa.(03/05/2016).CNRS le journal:CRISPR-Cas9: des ciseaux génétiques pour le cerveau.https://lejournal.cnrs.fr/articles/crispr-cas9-des-ciseaux-genetiques-pour-le-cerveau |consulté le 22/03/2018]

  1. école des MINES Paris tech.(2017).CRISPR-CAS9 : la nouvelle technique de modification génétique controversée.  http://controverses.mines-paristech.fr/public/promo16/promo16_G6/www.controverses-minesparistech-2.fr/_groupe6/index.html. [consulté le 17/03/2017]

  1. Carole Chatelain.(07/02/2017).Un rapport « secret défense » sur les risques terroristes des manipulations génétiques. https://www.sciencesetavenir.fr/fondamental/biologie-cellulaire/un-rapport-sur-le-bioterrorime-les-manipulations-genetiques-et-crisp-r-cas9-a-ete-rendu-au-gouvernement_110398. [consulté le 20/03/2017]

  1. THEVENOT Valentin.(15.08.2017).Sciences et avenir.CRISPR/Cas 9: modifier des porcs pour en faire de meilleurs donneurs d'organes ?. https://www.sciencesetavenir.fr/sante/crispr-cas-9-modifier-des-porcs-pour-en-faire-de-meilleurs-donneurs-d-organes_1154985 [consulté le 28/03/2018]

  1. KAPLAN Jean-Claude.(avril 2017).Science et pseudo sciences:CRISPR-Cas9 : un scalpel génomique à double tranchant. http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article2830 [consulté le 28/03/2018]

  1. GAUBERT Camille.(06/04/2018).Sciences et avenir.Pourquoi CRISPR-Cas9, méthode révolutionnaire, pourrait ne pas marcher sur l'humain.https://www.sciencesetavenir.fr/sante/pourquoi-crispr-cas9-methode-revolutionnaire-pourrait-ne-pas-marcher-sur-l-humain_122822 [consulté le 20/04/2018]

Article

  1. LARSEN Christian-Jacques.(mars 2015). La technologie CRISPR-Cas9 : une des clés des thérapies personnalisées. https://doi.org/10.1016/j.bulcan.2015.02.006.[ consulté le 30/03/2018]

  1. PAWLUK April, AMRANI Nadia, ZHANG Yan, GARCIA Bianca, HIDALGO-REYES Yurima, LEE Jooyoung, EDRAKI Alireza, SHAH Megha, Erik J, Karen L. Maxwell, Alan R. Davidson. ( décembre 2016). Naturally Occurring Off-Switches for CRISPR-Cas9.  https://doi.org/10.1016/j.cell.2016.11.017.       [consulté le 30/03/2018]