LE PORTRAIT GÉNÉTIQUE UNE TECHNIQUE RÉVOLUTIONNAIRE


ETCHEBARNE Maïalen,KARAIVANOVA Antoaneta, MARTINS TEIXEIRA Dilva, PROUST Manon,  SCHMITT Romane, TABOUREUR-VITRY Clémence.

Le portrait génétique, l’approche est-elle fiable pour résoudre une affaire criminelle ?

La couleur des cheveux, des yeux, de la peau, l’origine asiatique, européenne, américaine ou africaine, la  calvitie et taches de rousseur sont  des éléments que les enquêteurs peuvent aujourd'hui prédire grâce à un simple prélèvement d’ADN. C’est ce qu’on appelle  le portrait génétique, une  nouvelle technique consistant à extraire d’une trace génétique des renseignements sur l’apparence physique et biogéographique d’un suspect inconnu. Nous allons aujourd’hui nous intéresser à cette nouvelle technique  révolutionnaire dans la résolution d’enquêtes. 

    Le portrait génétique, une technique récente

 L’histoire
L'acide désoxyribonucléique (ADN) est le support de l’information génétique et il est indispensable pour tous les êtres vivants au vu de son importance biologique. Dans un premier temps, la recherche a permis de mettre en évidence la structure de l’ADN (expérience de Watson et Crick, 1953). Cette découverte fondamentale a permis de mieux comprendre la molécule mais aussi d’élargir son domaine d’utilisation. En effet, de nouvelles techniques d’étude ont vu le jour au cours du temps et permettent d’utiliser l’ADN dans le domaine criminel afin d'élucider des enquêtes.  En tout premier lieu, nous pouvons citer la découverte d’ Alec Jeffreys en 1985 qui démontre que l’ADN varie fortement d’un individu à l’autre et qu’il est possible d’observer ces variations. Cette découverte est d’autant plus utile en criminologie car elle va permettre de comparer les séquences similaires entre différents échantillons de suspects avec la technique du Southern blotting. Pour continuer, une autre découverte voit le jour et c’est celle de Kary Mullis en 1984. Il découvre la réaction en chaîne par polymérase (PCR) qui est une technique permettant d’amplifier l’ADN, de l’analyser et de comparer avec une base de données. Ces techniques se sont affinées et innovées et sont aujourd’hui très utilisées mais depuis 2015 une approche révolutionnaire a vu le jour en France, le portrait robot génétique qui consiste à prédire l’apparence physique et biogéographique  d’un individu à partir de traces ou encore d’échantillons  ADN. Le but étant de réaliser un portrait robot à partir de l’étude de certains gènes afin d’identifier des suspects dans des affaires criminelles.

Première affaire faisant appel au portrait génétique
Si la technique est encore nouvelle, elle a déjà permis de dresser le portrait de meurtriers. La première affaire est l’histoire d’une jeune Américaine de 19 ans, nommée Sierra Bouzigard. Cette jeune femme a été retrouvée morte le 23 novembre 2009. Son corps se trouvait délaissé le long d’une route de campagne en Louisiane. Les analyses effectuées sur la femme ont montré qu’elle avait été victime de violents coups conduisant à sa mort. Lors des recherches policières, les scientifiques ont pu prélever des traces ADN de l’agresseur de la victime. En effet, ils ont trouvé des morceaux de peau du probable meurtrier, sous les ongles de Sierra. Suite à ce prélèvement d’ADN, les scientifiques américains l’ont comparé aux ADN relevés lors des enquêtes. L’ADN de l’agresseur est alors comparé avec la banque de données du FBI, mais cela est un échec. Ce n’est qu’en 2015 que l’affaire avance. Les Américains tentent une nouvelle technique d’enquête révolutionnaire : le portrait-robot génétique. Cette technique a permis de réaliser un portrait génétique de l’agresseur. Ils ont séquencé l’ADN dans le but de découvrir la couleur de peau, des yeux, et des cheveux du criminel. Ils ont également pu déterminer son origine éthique. Ainsi, le portrait génétique a mené à un portrait-robot du meurtrier. Il s’agirait d’un homme européen à peau claire et à cheveux châtains ou noirs. Il aurait des yeux verts ou bleus, ainsi que des taches de rousseur.

         Les techniques utilisées

Technologie
Le portrait génétique robot repose sur un simple prélèvement d’ADN (support de l’information génétique de tout être vivant) ou des traces d’ADN (sang, sueur, sperme…). L’ADN est ainsi aujourd’hui qualifié de “reines des preuves” et a permis d'élucider de nombreuses affaires. Nous allons ici expliquer le but du portrait robot génétique.
Tout commence avec un prélèvement d’ADN ou de traces d’ADN des potentiels suspects sur les victimes. Lorsque le prélèvement d’ADN est complet, les analyses réalisées par les enquêteurs conduiront à identifier un profil. Dans le cas des profils non identifiés établis à partir des traces prélevées sur le terrain, on aura la  comparaison avec  les profils ADN de référence prélevés sur les auteurs mis en cause dans le cas de crimes ou délits enregistrés dans la base de données génétiques nationale : le Fichier National Autorisé  des Empreintes Génétiques (FNAEG) .  Cette base de données créée en 1998, contenait  en 2016 plus de 3,42 millions de profils génétiques ayant permet  d’effectuer des rapprochements entre les profils génétiques des traces non identifiées et les profils génétiques des individus de référence afin d’identifier l’individu à l’origine de l'échantillon.
Pour continuer, il se peut qu’il soit impossible pour les enquêteurs d’extraire des informations de l’ADN ou encore de dresser un profil. Cela peut être  dû à une faible quantité d’ADN présente dans l’échantillon, à un profil génétique inconnu de la base de données ou  à un  ADN trop dégradé. Dans ces cas particuliers, l’information apportée par l’analyse ADN est inefficace pour identifier un individu.
Ainsi, ne pouvant pas identifier la personne à l’origine de la trace, l’information génétique a été  exploitée afin de fournir aux enquêteurs des orientations:
-physiques: couleur des cheveux, de la peau, des yeux. La morphologie faciale, calvitie et les  taches de rousseur
-biogéographiques: concernant les aires de répartition des êtres vivants sur la planète, c’est à dire l’origine asiatique, européenne, américaine ou africaine. (voir figure 1, encadré biogéographique)

Le but est de prédire ou encore de déterminer  des caractères morphologiques apparents à partir de l’analyse d’ADN recueilli sur une scène d’infraction. Afin d’établir un portrait robot génétique, il faut pouvoir prédire des caractéristiques phénotypiques d’un individu, caractéristiques issus de l’expression et de la régulation des gènes. Ces caractères phénotypiques sont  spécifiques à chaque individu car on se distingue par un ensemble de caractères physiques et morphologiques.


Figure n°1: Exemple d’un portrait génétique, publié par William Molinié - ICI, https://www.lci.fr/faits-divers/portrait-robot-a-partir-dadn-une-technique-deja-utilisee-dans-19-affaires-criminelles-1508584.html

Une technique phare : le séquençage
Ainsi une méthode sur laquelle s’appuient les enquêteurs pour réaliser un portrait-robot génétique est bien évidemment le séquençage des nucléotides. En pratique le séquençage permet de déterminer la succession précise des nucléotides contenus dans un fragment d’ADN (Acide Désoxyribonucléique) ou ARN (Acide Ribonucléique).
Une étape préalable de marquage est nécessaire pour pouvoir cibler les gènes qui seront utiles pour dresser le portrait-robot. Ces marqueurs de l’ADN permettent de détecter les gènes codant par exemple pour la couleur des yeux ou des cheveux, la pigmentation de la peau, la taille de l’individu ou encore les origines biogéographiques de celui-ci. Ce sont ces marqueurs qui seront ensuite séquencés.
Le PGM ou Personal Genom Machine est un séquenceur qui par son efficacité, sa rapidité et sa sensibilité a permis aux scientifiques de dresser un portrait-robot davantage fiable. Le principe du séquençage à l’aide du PGM se fait en quatre étapes représentées sur la figure 2. Prenons l’exemple d’une recherche de la couleur des yeux d’un suspect. Nous devons comparer l’expression du gène Bey2 ou OCA2 codant pour des yeux foncés ou bleus se situant sur le chromosome 15 et le gène gey du chromosome 19 pour des yeux verts. L’activité de ces gènes sera repérée par des marqueurs adaptés à ceux-ci. Enfin l’interprétation de ces données en séquences ADN est réalisée par un serveur. Grâce à des banques de données, ces séquences pourront être analysées et  comparées pour dresser le portrait-robot génétique final.


Figure n°2: schéma du principe général du séquençage par le PGM réalisé par DESBUARDS, source gendarmerie nationale.

          Le portrait génétique vu par des professionnels

Le point de vue d’un ancien technicien en police scientifique
Témoignage de l’ingénieur de la police technique et scientifique (PTS) François-Xavier Laurent :
« Le portrait génétique c’est prédire les caractéristiques morphologiques d’un individu, directement à partir de son ADN.
La molécule d’ADN est une molécule immense, nous nous intéressons seulement à des segments qui font entre 100 et 300 paires de bases sur cette molécule qui fait environ 3 milliards de paires de bases. Donc l’analyse porte sur des zones que l’on a ciblées car nous savons que le résultat obtenu pour ces zones est différent d’un individu à l’autre, c’est ce qu’on appelle des marqueurs génétiques.
Pendant les années 90 on ne pouvait déterminer un profil génétique qu’à partir de supports riches comme le sang, la salive, le sperme : des sécrétions particulièrement chargées. Aujourd’hui on peut trouver de l’ADN suffisamment marqué pour avoir un profil génétique sur des cheveux tombés, des cellules mortes et des traces de contact c’est-à-dire l’impact que va laisser notre main sur un objet que l’on a touché.
Premièrement, on analyse des chromosomes, en particulier les chromosomes sexuels : si on trouve XY cela correspond à un homme et si on trouve XX c’est une femme. Pour déterminer la couleur de la peau : lors de l’analyse génétique on va rechercher une correspondance entre les marqueurs biologiques retrouvés dans l’ADN avec des marqueurs présents chez des personnes de type européen, asiatique, africain ou américain. C’est la même technique pour la détermination de la couleur des yeux, des cheveux et de la typologie des cheveux (bouclés ou lisses). Enfin, les prédispositions génétiques sont déterminées par un logiciel calculant le risque que la personne ait des taches de rousseur ou une calvitie. Tous ces éléments correspondent actuellement à ce que le portrait génétique peut nous fournir.
Nous sommes récemment en mesure de prédire l’écart entre les yeux, entre le nez et la bouche et même l’écart de la mâchoire afin d’obtenir un portrait-robot facial. Cette méthode a déjà été appliquée dans 20 enquêtes criminelles à
l’Institut National de Police Scientifique (INPS) et dans quelques mois on sera capable de l’appliquer à des enquêtes qui ne sont pas encore terminées les « cold case » pour enfin ouvrir d’autres pistes ou même clore ces affaires. Dans un futur proche les analyses nous permettront même de déterminer l’âge d’un individu ainsi que sa taille.
Malheureusement la génétique ne nous informe pas sur tout : une coloration artificielle des cheveux, des lentilles de couleur, la chirurgie esthétique ou encore une cicatrice, jamais l’ADN ne pourra le prédire. Finalement le portrait-robot génétique est un outil révolutionnaire, il peut donner une interprétation claire et objective, mais il va toujours falloir un policier pour interpréter ces résultats et les replacer dans le contexte de l’enquête. »

Les limites de la technique

         Le portrait génétique est une méthode révolutionnaire mais elle comporte quelques limites. En 2017, une équipe néerlandaise a mis au point un modèle mathématique pour prédire la couleur des yeux et des cheveux. Il s’agit de l’« HIris-Plex », comprenant 6 marqueurs d’ADN comprenant la couleur des yeux et 22 marqueurs d’ADN comprenant la couleur des cheveux. Ce modèle a permis l'obtention d’une prédiction théorique de :

  - 95% de concordance pour les yeux marrons
  - 94% yeux bleus
  - 74% yeux de couleur intermédiaire
  - 93% cheveux roux
  - 87% cheveux noirs
  - 82% cheveux bruns
  - 81% cheveux blonds

Bien que les pourcentages de concordance soient élevés, ils ne sont pas complètement fiables.
 Les discordances observées peuvent être dues à l’environnement mais aussi à la génétique. En effet, sous l’effet d’une exposition prolongée au soleil, les cheveux ont tendance à s’éclaircir. De plus, ils grisonnent avec l’âge et enfin, leur couleur peut changer entre l’enfance et l’adolescence.
Tous ces éléments peuvent perturber l'obtention d'un portrait génétique fiable.


Ainsi, le portrait génétique est une méthode fiable ayant permis de révolutionner les enquêtes policières et les pratiques utilisées. Cela a aussi permis de résoudre certaines affaires comme nous avons pu le voir dans la première partie. Cependant cette technique est en constante amélioration et risque d’être d’ici quelques années une technique phare, très fiable et précise. Les recherches se poursuivent à l’ INPS dans le but d’avoir un visage précis et de créer un portrait robot facial. Encore un peu de patience, le portrait génétique n’a pas fini de nous surprendre !


Sitographie

1)  PELLETIER, Eric.(28 avril 2017).LeParisien : Le portrait-robot génétique, technique de pointe de la police scientifique. http://www.leparisien.fr/faits-divers/le-portrait-robot-genetique-technique-de-pointe-de-la-police-scientifique-28-04-2017-6897879.php [consulté le 15/03/2018]


2) [s.a.].(28/07/2016).LE SOIR.be : Le portrait-robot génétique, la nouvelle arme des policiers.http://www.lesoir.be/archive/recup/1277860/article/soirmag/meilleur-du-soir-mag/2016-07-28/portrait-robot-génétique-nouvelle-arme-des-policiers#  [consulté le 15/03/2018]


3) DUMAS, Cécile.(07/2016).look at sciences : le “portrait-robot génétique” arrive en France. http://site.lookatsciences.com/wp-content/uploads/2017/12/Police-scientifique-NG.pdf [consulté le 19/03/18]

4) Philippe, GUIMBERT.(05/2017).IRCGN : Étude sur "le portrait robot génétique", une méthode en devenir. https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/ircgn/L-Expertise-Decodee/Identification/Etude-sur-le-portrait-robot-genetique-une-methode-en-devenir [consulté le 19/03/18]

5) VERGES, Etienne.(2017).PoliceScientifique :Vers un portrait-robot génétique ? Le profil morphologique d’un suspect face aux droits fondamentaux. https://www.police-scientifique.com/vers-un-portrait-robot-genetique/ [consulté le 15/03/2018]


6) BENSOUSSAN, Alain.(17/02/2017).LEXING : ADN : vers un encadrement du portrait-robot génétique ?. https://www.alain-bensoussan.com/avocats/adn-portrait-robot-genetique/2017/02/17/ [ consulté le 19/03/18]

7) [s.a.].(2017).PoliceScientifique:Le portrait robot génétique au TEDxRennes.https://www.police-scientifique.com/news/le-portrait-robot-genetique/ [consulté le 19/03/18]