LES CHIENS RENIFLEURS DE CANCER


BRISSARD Anaëlle (ABB) DJOUADI Anna (DIET) GILBERT Mélissa (IAB) MANOHARAN Aphirami (ABB) NIDERKORN Julia (DIET) PEUX Vivien (ABB) ROUSSEAU Yann (IAB) YOGARAJAN Vinusha (IAB)


INTRODUCTION




Les chiens ont une capacité olfactive très développée, c’est pour cela que cette aptitude est exploitée par l’Homme dans divers domaines tels que la détection de drogues, d’explosifs ou encore de victimes lors d’une avalanche. Mais récemment c’est dans la détection de cancers que l’Homme a su mettre les capacités olfactives du chien au profit de la science.

En effet, cette idée fait l’objet de multiples projets dans le monde, dont un français, nommé Kdog. Ce protocole de l’Institut Curie a pour objectif de détecter les cancers de manière plus rapide et plus simple. Kdog repose sur les observations du Dr.Isabelle Fromantin, qui a remarqué que des cicatrices et des plaies liées aux cancers avaient une mauvaise odeur. Elle s’est alors demandé si une partie de ces émanations ne provenaient pas seulement des bactéries, mais aussi du cancer en lui-même.

Elle a émis l'hypothèse que les cancers à l’état primitif émettent une odeur indécelable par l’homme mais détectable par le chien pour former Kdog. Cette association s’intéresse uniquement au cancer du sein mais des études et projets similaires internationaux se sont développés sur d’autres cancers tel que celui sur les poumons, la prostate, la thyroïde.

Ainsi les chiens pourraient détecter des cancers à des stades précoces et donc faciliter leur prise en charge d’ici quelques années.

Nous pouvons alors nous demander dans quelle mesure cette nouvelle méthode de dépistage du cancer est fiable et en quoi est-ce un progrès scientifique?



I. La détection du cancer par le chien

Système olfactif

L’olfaction se divise en 2 grandes catégories:
-La perception consciente: c’est là qu’interviennent les molécules odorantes, les parfums. Ils vont jouer un rôle dans la mémoire et les réactions conscientes.
-La perception inconsciente: ce sont les autres molécules chimiques telles que les phéromones  produites par un organisme et ayant des conséquences intraspécifiques.

L’Homme et le chien n’étant pas de la même espèce, c’est donc le premier mécanisme qui intervient chez le chien pour la détection des cancers humains.
Les molécules odorantes pénètrent par la narine et viennent se solubiliser dans le mucus. Elles vont alors former un complexe avec des protéines appelées lipocalines, vont continuer leur cheminement vers le fond de la cavité nasale, au niveau de l'épithélium olfactif où se trouvent des récepteurs neuronaux olfactifs. Ils sont aux nombres de 220 millions chez un chien, 50 fois plus que chez l’Homme.
Ces récepteurs sont divisés en plusieurs catégories, chacune libérant des neurotransmetteurs différents, afin de multiplier la diversité des odeurs détectées. De plus, certaines molécules odorantes appelées odotopes, peuvent posséder plusieurs motifs spécifiques leur permettant de se lier à des récepteurs différents, augmentant encore la sensibilité et la diversité [2].
Après fixation des odotopes, les récepteurs émettent un influx nerveux vers le Système Nerveux Central (SNC) et plus précisément dans la partie corticale du lobe frontal du cerveau. C’est grâce à la forte innervation de la zone nasale et de ses ramifications vers le nerf ophtalmique que le chien va pouvoir détecter une odeur avec une faible quantité de molécules. (cf. Schéma 1)





Molécules cancéreuses odorantes

Des chercheurs ont trouvé que les tumeurs pouvaient diffuser des composés organiques volatils (COV) permettant le diagnostic de cancers plus rapidement. Ces COV sont des produits du métabolisme des cellules cancéreuses, c’est pourquoi le chien peut déterminer de quel cancer il s’agit. Ils peuvent être analysés d’après différents échantillons comme l’haleine, l’urine ou le plasma.
En effet, il y a des différences entre la détection du cancer du poumon et celle d’un cancer de la prostate par un chien.
Pour le cancer du poumon, le chien analyse un échantillon d’haleine et tente de percevoir l’odeur de molécules telles que l’acétate d’éthyle, le butanal ou encore le 2-pentanone. Quant au cancer de la prostate, le chien recherche la sarcosine, qui est le produit métabolique essentiel des cellules métastatiques du cancer de la prostate. Elle se retrouve dans l’urine des patients.


Nous avons vu que les cancers sont responsables de la diffusion de composés organiques volatils et que les chiens peuvent détecter une odeur avec une faible quantité de molécules. Nous allons maintenant voir comment l’homme parvient à utiliser l’odorat des chiens à des fins médicales. [1]



II. Méthodologie du dépistage

Choix et apprentissage du chien

Les tests de dépistage effectués par l’Homme pour l’Homme sont différents d’un cancer à l’autre. Mais pour le chien, la méthode sera toujours la même. Il va fonctionner par analogie tout au long de son éducation, avec un échantillon positif et un ou plusieurs échantillons négatifs. Le chien apprend ainsi, en étant récompensé en cas de réussite, et attribuera l’échantillon cancéreux à une “bonne réponse”.

Sur le projet Kdog, l’institut Curie entraîne deux chiens (Thor et Nikios) à la détection de cancers grâce à l’aide d’experts cynophiles. Les chiens choisis sont des bergers malinois qui ont plus d’un an. Ces derniers ont été choisis car c’est une race de chien qui accepte la répétition d’exercices. La morphologie faciale du chien est aussi prise en compte, car le nombre de cellules olfactives est différent en fonction de l’espèce de chien. Le malinois possède un long museau, ce qui augmente sa capacité à détecter une odeur.







Equipement et échantillonnage


L’avantage de cette méthode est qu’elle est très peu coûteuse. En effet, le dépistage par le chien ne nécessite que du petit matériel. Ce test “préliminaire” est beaucoup moins lourd et moins contraignant  pour les patients.
Pour la prostate ou la thyroïde, un échantillon d’urine remplace des prélèvements sanguins voire des biopsies.
Pour les poumons, un échantillon d’haleine remplace les multiples radiographies et ainsi diminue le risque d’irradiation.
Pour le sein, une compresse de sueur remplace une mammographie à l'hôpital. Ce n’est plus douloureux pour la femme et cela ne demande plus d’infrastructures onéreuses.

Principe et applications sur différents cancers


Pour la détection du cancer de la prostate, les scientifiques du Centre de Recherche Humanitas de Milan ont décidé d'utiliser deux bergers allemands. Ces chiens avaient appris à renifler des bombes, et ont ensuite été entraînés à identifier des composés spécifiques du cancer de la prostate dans des échantillons d'urine. Ils ont ensuite été testés sur 362 patients atteints d'un cancer de la prostate et 540 témoins qui n'avaient pas de cancer ou de tumeur prostatique. [7]

Dans le cas du cancer de la thyroïde, c’est Frankie, un berger allemand, qui a été dressé pour une étude menée par l’équipe de chercheurs de l’Université de médecine de l’Arkansas. Comme dans le cas du cancer de la prostate, le chien a appris à déceler des composés volatils spécifiques dans des échantillons d’urine provenant de patients atteints d’un cancer de la thyroïde.

Enfin, dans le cas de la détection du cancer du sein (actuellement réalisé par Thor). La patiente place une compresse stérile sur sa poitrine durant toute une nuit et l’envoie dans un bocal.
Une fois reçu, le maître-chien présente, lors d’une session de dépistage, 4 échantillons à tester. Si le chien juge l’échantillon cancéreux, il a pour consigne de s'asseoir devant. S’il a raison, il est récompensé par une balle. Pour lui chaque session est un jeu, au nombre moyen de 15 par jour. Sa formation dure environ 16 mois avec des échantillons “connus” avant de passer à des échantillons inconnus.

Maintenant que nous avons vu comment l’Homme exploite l’odorat du chien à des fins médicales nous allons comparer l’efficacité de cette méthode de dépistage avec les méthodes actuelles. Puis nous verrons quelles sont les perspectives d’avenir de la détection du cancer.

III. Méthodes actuelles de dépistage et perspectives

Méthodes de dépistage par l’Homme

Aujourd’hui, il existe différentes méthodes de dépistage des cancers.
Il existe tout d’abord des méthodes non invasives telles que la palpation, pour les cancers du sein, des testicules ou de la prostate mais aussi les radiographies, scanners pour le cancer du poumon par exemple, les échographies et enfin les mammographies pour le cancer du sein.
Ensuite, il y a des méthodes plus invasives, comme la coloscopie pour le cancer du côlon ou encore les biopsies, cette méthode est très réalisable pour la majorité des cancers, elle consistant à prélever un fragment de tissu ou d’organe afin de les analyser et repérer ou non des cellules cancéreuses.
         Cependant ces méthodes sont coûteuses, douloureuses et assez longues à analyser, c’est pourquoi les recherches sur les chiens renifleurs de cancers peuvent être bénéfiques.   

Résultats de la méthode de dépistage par le chien
A ce jour, tous les tests menés sur différents cancers sont prometteurs. En effet, dans le cas des tests effectués dans la recherche du cancer de la prostate, on obtient respectivement par chien une détection de 99 et 100% des échantillons positifs, et de 96 et 98% des échantillons négatifs. Dans le cas du cancer de la thyroïde, on évalue à ce jour l’efficacité de cette méthode à 90%. A l’heure actuelle, l’étude n’a été menée que sur 34 patients dont 15 étaient atteints de cancer et 19 de nodules bénins, avec une réussite de 30 détections correctes sur 34.
Le cas du cancer du sein semble être le plus prometteur puisqu’on obtient un taux de réussite de près de 100%. (cf. Schéma 2)




Comparaison et projection futures


En plus de sa fiabilité, la technique de dépistage par les chiens présente des avantages certains qui en font une méthode prometteuse pour le futur. En effet, elle est très peu coûteuse comparée aux tests habituellement effectués afin de détecter un cancer, tels que la mammographie, le scanner, ou l’IRM, autant de tests qui nécessite des machines très coûteuses, et de grandes infrastructures que certains hôpitaux de pays en développement ne peuvent se procurer. 
Enfin, cette méthode permet d’éviter des irradiations et est bien moins invasive que la plupart des autres techniques de dépistage, notamment dans le cas de la biopsie, qui nécessite le prélèvement d’un échantillon d’organe ou de tissu, ainsi que le toucher rectal qui est un examen souvent difficile à appréhender psychologiquement.
Cependant, le développement de cette méthode n’est encore qu’à l’étude, et il en subsiste encore des limites. Tout d’abord, il est nécessaire d’effectuer tous les tests supplémentaires possibles afin d’être sûr de la présence ou non d’un cancer dans l’organisme. Effectivement, certains COV présents dans l’air ambiant ou dans l’organisme à cause de l’alimentation ou de la prise de médicaments par exemple, peuvent se retrouver accidentellement dans les échantillons à tester et ainsi fausser les résultats.
De plus, à plus grande échelle, il serait essentiel de former un grand nombre de chiens afin de pouvoir répondre à la demande mondiale en dépistage des cancers, d’autant plus qu’on estime qu’un chien ne peut être réellement « efficace » que pendant une durée de 5 ans. [1]
En partant du principe qu’un chien effectue le maximum de 15 séries de 4 échantillons (tous cancéreux) tous les jours. Il faudrait 78 chiens pour dépister les plus de 1,7 millions de nouveaux cancers du sein par an dans le monde !



CONCLUSION


L’application des hautes capacités olfactives des chiens semble être une alternative efficace face aux techniques de dépistages du cancer traditionnellement utilisées de nos jours.
En effet, les premiers résultats ayant des taux de réussites proches de 100%, on peut dire qu’il s’agit d’un véritable progrès scientifique, d’autant plus que la méthode est moins invasive tout en étant moins coûteuse.
Cependant, il reste de nombreux tests à faire pour s’assurer de la reproductibilité de la méthode et il faudrait un nombre de chiens entraînés conséquent pour pouvoir remplacer les méthodes de dépistages actuelles.
Malgré cela, le dépistage par les chiens semble avoir un bel avenir dans la détection du cancer.




RÉFÉRENCES


  1. ZOGRAPHOS, Mathilde. (31 janvier 2017). Les chiens pour la détection d’affections médicales.http://theses.vet-alfort.fr/telecharger.php?id=2072

  1. Institut Curie.KDog cancer detect group : Kdog ,ensemble prenons le cancer de vitesse.http://www.kdog.fr/  ( https://youtu.be/PrQCDWee9Dc )


  1. CHEN, Chien-Lun ; TANG, Petrus; WU, Chih-Ching; CHUNG, Ting; YU, Jau-Song; CHANG, Yu-Sun; CHANG, Phei-Lang, CHEN, Yi-Ting.( Juin 2016). The urinary microparticle tumor-associated calcium-signal transducer 2 as a bladder cancer biomarker.Urological science,vol 27(2). https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1879522616300938

  1. MCCULLOCH, Michael; JEZIERSKI,Tadeusz; BROFFMAN, Michael;HUBBARD, Alan;TURNER, Kirk ;JANECKI Tereza.2006.Diagnostic Accuracy of Canine Scent Detection in Early- and Late-Stage Lung and Breast Cancers.Integrative cancers therapies,vol.5(1), pp 30-39. http://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/1534735405285096

  1. BUZWESKI, Boguslaw; LIGOR, Tomasz; JEZIERSKI, Tadeusz; WENDA-PIESIK, Anna; WALCZAK, Marta; RUDNICKA,Joanna.(Juillet 2012).Identification of volatile lung cancer markers by gas chromatography–mass spectrometry: comparison with discrimination by canines. Analytical and Bioanalytical Chemistry, vol.404(1),pp 141-146. https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs00216-012-6102-8

  1.  MCCULLOCH, Michael; TURNER, Kirk; BROFFMAN, Michael.(2012).Lung cancer detection by canine scent: will there be a lab in the lab?.European Respiratory Journal,vol.39 (3), pp 511-512. https://pdfs.semanticscholar.org/de17/bcfae1e511c9b3de326349669767675f1497.pdf



  1. TAVERNA, Gianluigi; TIDU, Lorenzo; GRIZZI, Fabio; TORRI,Valter; MANDRESSI, Alberto; SARDELLA, Paolo;LA TORRE, Guiseppe; OCCIOLONE, Giampriero; SEVESO, Mauro; GUISTI, Giudo; HURLE, Rodolfo; SANTORO, Armando; GRAZIOTTI, Pierpaolo.(2014).Olfactory System of Highly Trained Dogs Detects Prostate Cancer in Urine Samples.Investigating Urology, vol.193(4), pp 1382-1387. http://biodetectionk9s.org/wp-content/uploads/2017/01/Olfactory-System-of-Highly-Trained-Dogs-Detects-Prostate-Cancer-in-Urine-Samples.pdf