L'humour au service du dépistage des cancers

Chaimae BEN MOUSSA, Guillaume CHAZOT, Noémie CHERTIER, Rémi DAVIDOU, Mylène LACOMBE, Célia LEMARCHAND, Valentin REJOWSKI

Le cancer, en rigoler pour le dépister
Le cancer est la première cause de mortalité en France. En 2016 on compte 149 500 décès : 84 100 chez l’homme et 64 400 chez la femme. Cependant le sujet reste difficile à aborder et les tabous persistent dans la société actuelle. Afin d’atteindre un plus grand public, de nouveaux moyens de sensibilisation sont mis en place. Plus décalés les uns des autres, l’humour se retrouve au service du dépistage du cancer, une méthode efficace pour prévenir avec le sourire.


Pourquoi dépister le cancer ?
Aujourd’hui en France, le cancer occupe une place importante puisque le nombre de nouveaux cas chaque année se voit considérablement augmenté : 385 000 en 20151. Cette maladie est donc omniprésente dans le cadre de la santé publique en termes de mortalité puisqu’elle en est la première cause chez les hommes et la deuxième chez les femmes. Il est à noter qu’en France les trois types de cancer les plus meurtriers sont : le cancer du sein avec 54 000 nouveaux cas pour 11 900 décès chaque année chez la femme ; le cancer de la prostate estimé à un nombre annuel de 53 000 nouveaux cas chez l’homme pour environ 8 700 décès ; et le cancer colorectal avec un total de 42 000 cas par an, 19 000 chez les femmes contre 23 000 chez les hommes pour un effectif de 18 000 décès par an2. Par conséquent, cette maladie sème la peur dans la population et il devient donc difficile d’en parler. Afin de réduire ces chiffres alarmants, le corps médical a mis en place des méthodes spécifiques de dépistage visant plus particulièrement les cancers les plus répandus sur le territoire français comme la mammographie pour le cancer du sein.
Par ailleurs, il est nécessaire de savoir qu’un dépistage permet de détecter les premiers signes de cancer, souvent sans quelconques symptômes apparents : la maladie peut donc être prise à temps. Ainsi, les pronostics vitaux se voient considérablement augmentés. Le dépistage précoce est donc nécessaire et permet de mieux en maîtriser son avancée et par conséquent, de mieux le soigner et offrir des chances de guérison aux patients, beaucoup plus importantes. De plus, les traitements préconisés seront moins lourds ce qui permet ainsi de limiter les séquelles au niveau de l’organisme. Enfin, rappelons que le dépistage reste également un simple moyen de prévention permettant, à plus long terme, d’éviter le développement d’un potentiel cancer au niveau d’un tissu présentant un risque ou une anomalie apparente.
Pourquoi utiliser l’humour ?
L’humour permet d’aborder certains aspects difficiles de la réalité de manière plus légère, en soulignant les caractères comiques et insolites du ou des sujets traités3. Dans le cas du dépistage du cancer, l’humour est utilisé dans le but de prévenir tout en balayant ce sur quoi l’Homme fait silence par crainte ou pudeur. En effet, le dépistage du cancer du côlon, du sein, du rectum ou encore de l’utérus reste un sujet tabou. Or, le tabou empêche la communication et c’est dans ce cas que l’humour intervient4.  Par exemple, l’association nommée La ligue contre le cancer créée en 1918 a pour but de sensibiliser la population mais aussi de prévenir en présentant les divers avantages du dépistage de certains cancers1. Pour ce faire, elle utilise l’humour par le biais de discours, de publicités ou d’illustration pour aborder certains tabous sans heurter les destinataires. La ligue contre le cancer met en évidence l’importance du dépistage ainsi que le rôle des proches. En effet, cette campagne de sensibilisation basée sur l’humour dans le but de dédramatiser le dépistage, souligne l’importance des relations mais aussi du pouvoir qu’ont les proches à motiver dans l’adhésion au dépistage. Ainsi, la campagne nommée « par amour de l’autre » par le professeur Francis Larra utilise des illustrations simples pour amener au dialogue sur un sujet encore sensible : le cancer3.
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Cancer du sein
           
Aujourd’hui, le cancer du sein représente le cancer le plus répandu en France. En 2015, 54 000 nouveaux cas ont été identifiés. C’est pour cela que le dépistage a vu le jour en 2004 chez les femmes de 50 à 74 ans qui n’avaient pas de symptômes particuliers1. Ce test, réalisé tous les deux ans pour la plupart des femmes, est en réalité une mammographie. C’est un examen radiographique consistant à détecter la présence d’une grosseur quelconque. Cependant, dix ans plus tard, pas plus d’une femme sur deux participe à ce type de dépistage. L’organisation de celui-ci a notamment permis de détecter 37 000 cas entre 2013 et 2014 qui, pour la plupart, était à un stade non avancé. Aujourd’hui encore, il est difficile de savoir si ce dépistage organisé a permis de réduire le taux de mortalité en raison du sur diagnostic (lésions cancéreuses détectées lors du dépistage mais qui n’auraient pas évolué). Cependant, d’après L’Institut National Du Cancer (INCa), on observe une réduction de mortalité de 15 à 21%.
Figure 1 : affiche de campagne de dépistage du cancer du sein, tirée de Worldwide Breast Cancer.  





Nous pouvons également citer la campagne de dépistage de l’association WorldWide Breast Cancer5. Cette campagne a pour but de détecter les manifestations physiques du cancer du sein mais chez soi, il n’y a alors aucun besoin de se déplacer et cela ne prend que quelques minutes !  Il s’agit en effet d’une photo de douze citrons différents dont chacun d’eux représente un signe propre à ce cancer tel que : érosion de la peau, gonflement, échancrure, rougeur, chaleur, écoulement anormal, bosse, capitons, veine dilatée, mamelon rétracté, peau d’orange, ou encore une masse épaisse. Cette campagne fut un grand succès ! En effet, il faut noter que cette photo a été partagée plus de 40 000 fois sur Facebook.
Autre campagne ayant eu un grand succès : l’autopalpation6. Cette campagne vidéo a été créée par l’association argentine « Movimiento Ayudar Cancer de Mama ».  Sur cette vidéo « Tetas x tetas » (seins pour seins), on peut voir un homme avec une poitrine imposante pour montrer aux femmes comment réaliser une bonne autopalpation. Ce choix, permet de dénoncer la censure absurde des réseaux sociaux concernant le fait qu’une femme puisse montrer sa poitrine sur les réseaux sociaux. Cette autopalpation doit se réaliser une fois par mois pour ainsi détecter une éventuelle grosseur. Pour réaliser une bonne palpation, il faut tout d’abord partir des aisselles et aller jusqu’en bas du sein. Il est impératif de ne pas oublier les aisselles ainsi que les muscles pectoraux supérieurs. Il faut également et nécessairement être attentif à l’aspect et à la couleur du sein car ces deux signes constituent des symptômes caractéristiques du cancer du sein.
Le cancer du côlon
En France, le cancer colorectal est le troisième cancer le plus fréquent et la deuxième cause de décès chez l’homme ou chez la femme7. Il touche environ 43 000 personnes et est responsable de plus de 17 500 décès. Ce cancer se développe à partir des cellules situées sur la paroi interne du côlon, il provient généralement d'un polype qui est  une tumeur bénigne. Celle-ci évolue lentement et finit malheureusement par devenir cancéreuse.  Ce type de cancer peut être favorisé par différents facteurs tel que l’âge, le surpoids et l’obésité, la consommation abusive d’alcool, le tabagisme, l’alimentation riche en viande, les maladies inflammatoires de l’intestin ou encore l’hérédité.
Pour cela, un test de dépistage immunologique est à faire tous les 2 ans à partir de 50 ans jusqu’à 74 ans, car s’il est détecté tôt, 9 personnes sur 10 seront guéries. Ce dépistage est à réaliser chez soi : il est rapide, simple et indolore. S'il est positif, une coloscopie doit être effectuée pour des informations complémentaires.
Il est difficile d’aborder le sujet sur le cancer colorectal, pour cela plusieurs campagnes en parlent avec humour et plus particulièrement dans les pays étrangers. Par exemple en Islande, la campagne save your ass qui a réalisé une vidéo sur le thème du twerk, nous permet de faire attention à notre fessier pour rester en bonne santé.
Il existe aussi au Canada l’Association canadienne du cancer colorectal qui a mis en place une publicité où l’on peut apercevoir une personne nue au postérieur peint en ours polaire, dans le milieu arctique. Cette publicité assimile notre fessier à une espèce polaire en danger afin de sensibiliser et d’inciter la population vers les dépistages du cancer colorectal.
Figure 2 : Affiche publicitaire sur le dépistage du cancer colorectal, tirée de l’Association canadienne du cancer colorectal.





En France, il faut savoir que le dépistage est davantage informatif par rapport aux pays étrangers. Néanmoins il existe une campagne de dépistage effectuée au mois de mars. Ce mois est d’ailleurs devenu le mois de sensibilisation du cancer colorectal. Cette campagne facilite la prévention, la sensibilisation, l’information et fait le point sur les avancées des recherches sur ce cancer.
Le cancer des testicules
Celui-ci est plutôt rare car il ne représente que 1 à 2% des cancers chez l’homme avec environ 2200 nouveaux cas par an8. De plus, il touche plus particulièrement les hommes de moins de 45 ans. Il est cependant très facile à soigner (90% de guérison) et est très peu mortel. Le cancer des testicules peut être favorisé par certains facteurs comme la non descente des testicules (ou cryptorchidie) ou un précédent cancer sur l’autre testicule. D’autres facteurs de risques sont actuellement à l’étude comme l’influence de produits chimiques (benzène, pesticides bisphénol A…) ou la consommation de cannabis. Il se manifeste en général par la présence d’une masse dure et irrégulière sur un testicule mais aussi plus rarement par une gynécomastie (développement des seins chez l’homme) ou des douleurs dans le dos ou le flanc.
Le dépistage d’un tel cancer se fait donc par palpation des testicules de façon mensuelle afin de repérer toute irrégularité qui perdurerait dans le temps. Le diagnostic s’effectue ensuite par échographie et analyses sanguines, et le traitement est basé sur l’orchidectomie (ablation du testicule) ainsi qu’une chimiothérapie ou une radiothérapie. Cependant l’auto-examen reste trop peu effectué du fait de la rareté de ce cancer, d’où la nécessité de campagne de prévention pour sensibiliser la population à ces gestes.
Le sujet des « couilles » est souvent difficile à aborder en particulier chez les jeunes c’est pour cela que plusieurs campagnes canadiennes ont décidé d’aborder le sujet avec humour par le biais de spots publicitaires ou de vidéos postées sur YouTube. En effet, l’association Cancer Testiculaire Canada a effectué plusieurs campagnes de ce genre9. La première date de 2014 et explique le principe de l’auto palpation en utilisant des cochons d’Inde (les Cuyss se prononçant “couille”) de différentes tailles représentant les testicules. La deuxième, plus récente, met en scène un groupe de garçon expliquant en chanson pourquoi les testicules se regardent. Le but de ces campagnes de sensibilisation est de toucher un public plus large via internet, qui n’est pas habitué à l’auto examen. En France, de telles campagnes n’existent pas pour ce cancer, la prévention passant principalement par des sites internet nécessitant une démarche de renseignement personnelle.



Le dépistage est aujourd’hui de plus en plus sollicité. En effet, il permet d'accroître les chances de guérison. Grâce à l’humour, de nombreuses personnes ont été attirées par ces campagnes de dépistages. L’autodérision a permis de transformer un sujet tabou en un sujet quotidien. De plus, cette nouvelle méthode de dépistage se fait à domicile ce qui permet l’accès des tests à tous. Grâce à ces campagnes basées sur l’humour, le nombre de cas dépisté a connu une évolution considérable. Elles permettent notamment de prendre le cancer à temps et ainsi d’en favoriser la guérison.

Bibliographie/Sitographie



1.     LA LIGUE CONTRE LE CANCER. (2015). Les chiffres clés des cancers. https://www.ligue-cancer.net/article/6397_les-chiffres-cles-des-cancers. [Consultée le 07/05/2017]


2.     INSTITUT NATIONAL DU CANCER. http://www.e-cancer.fr/.[Consultée le 16/03/2017]


3.     SENIOR ACTU. (14/03/2008).  Par amour de l’autre ou comment motiver l’adhésion au dépistage de trois cancers tabous ?.


4.     GUIBOURGÉ J. «Humour, sémiotique et rhétorique en publicité pour la santé», ACTES SÉMIOTIQUES [En ligne], 2009, n° 112. http://epublications.unilim.fr/revues/as/2027. [Consulté le 15/03/2017]


5.     Sciences et avenir. (18/01/2017). Cancer du sein : repérer les signes grâce aux citrons. https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cancer/cancer-du-sein-reperer-les-signes-grace-aux-citrons_109846. [Consulté le 11/03/2017].


6.     Franceinfo. (22/04/2016). Cancer du sein : une campagne argentine détourne avec humour la censure des réseaux sociaux. http://mobile.francetvinfo.fr/sante/cancer/cancer-du-sein-une-campagne-argentine-detourne-avec-humour-la-censure-des-reseaux-sociaux_1417719.html. [Consulté le 27/02/2017].


7.     ROSE. (10/02/2017). “ Dépistage du cancer colorectal : et si on en parlait avec humour ? “ http://www.rosemagazine.fr/magazine/societe/article/depistage-du-cancer-colorectal-et-si-on-en-parlait-avec-humour. [Consulté le 13/03/2017].


8.     E.santé.fr. (24/11/2014). Cancer du testicule : l’humour canadien au secours du dépistage. http://www.e-sante.fr/cancer-testicule-humour-canadien-secours-depistage/breve/618. [Consultée le 27/02/2017].


9.     L’express. (25/11/2014). Cancer des testicules : l’humour canadien aide le dépistage. http://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/video-cancer-des-testicules-l-humour-canadien-aide-le-depistage_1625831.html. [Consultée le 27/02/2017].