Le tout
premier virus de l’histoire fut découvert en 1892, lorsqu’un biologiste russe a
voulu filtrer les bactéries d’un broyat de feuilles malades. Cependant ce virus
était invisible sur les microscopes de l’époque. C’est plus tard que la
découverte fut confirmée avec le développement des microscopes électroniques.
La notion de taille est alors devenue centrale dans la définition d’un virus
qui est décrit comme étant un agent infectieux de petite taille parasitant un
hôte afin de se répliquer. Cet agent infectieux est défini sur une taille de vingt
à deux cents nanomètres.
Un virus est
composé d’ADN (Acide Désoxyribonucléique) ou d’ARN (Acide ribonucléique)
protégé par une capside formée par des protéines. Certains virus sont également
entourés d’une enveloppe (bicouche lipidique contenant des glycoprotéines) qui
peut empêcher le système immunitaire de les détecter.
Néanmoins, un
grand virus a été identifié en Angleterre comme étant une bactérie au départ.
Ses caractéristiques dépassent alors toutes les lois de la virologie. Ces
nouveaux virus relancent les discussions fondamentales et engendre un
bouleversement de notre perception de la nature des virus, ce qui touche aussi
l'histoire des êtres vivants. Cette découverte bouleverse la science moderne
ainsi que sa compréhension. Ces organismes ont été appelés « virus géants ».
Il existe
désormais des virus plus gros que ceux que l’on connaissait jusqu’à présent.
Cela a été surprenant, car le monde de la science a longtemps songé que les
virus étaient très petits et composés uniquement d'une petite quantité de
gènes. Les virus géants sont caractérisés par un diamètre supérieur à 500
nanomètres et donc facilement visibles au microscope optique, à l'opposé
d'autres virus. Ils sont donc facilement confondus avec une bactérie. Pour
mieux comprendre leur histoire et leurs caractéristiques, il faut prendre
connaissance des trois principaux virus géants.
En 2003, un
nouveau virus appelé « Mimivirus » fait son apparition. Identifié à
l'Université de la Méditerranée à Marseille par Didier Raoult, chercheur biologiste
et professeur de microbiologie français, il se présente comme une particule non
enveloppée de forme icosaédrique d'un diamètre de 400 nm. Il est entouré de
fibrilles de 80 nm de long et renferme un ADN bicaténaire. La taille de son
génome est supérieure à celle de certaines bactéries. En l’analysant en 2004,
les chercheurs ont pu remarquer la présence de gènes inhabituels pour un virus.
Cela les a conduits à classer le Mimivirus dans une nouvelle branche de la
classification des virus. Ces chercheurs ont également pu découvrir que les
Mimivirus utilisent un mécanisme de défense, proche de celui des bactéries et
archées (aussi appelées archéobactéries) contre les viriophages Zamilon. [1]
[2]
Par la suite,
le « Mégavirus Chilensis » a été identifié par des chercheurs français de
l’équipe de Jean-Michel Claverie, du CNRS (Centre National de la Recherche
Scientifique). Il a été découvert dans l'océan Pacifique Sud, au large des
côtes du Chili, en avril 2010. Sa forme est similaire à celle de son prédécesseur
avec une capside recouverte de fibres. Elle sert notamment à attirer les amibes
car elle est semblable aux caractéristiques des bactéries. Pour survivre et se
reproduire, le Mégavirus a besoin d’une cellule hôte. Il va donc utiliser les
amibes comme telle, ce qui diffère des autres virus, qui n’utilisaient pas ce
type de cellule hôte. Par ailleurs, dans leur capside il y a le plus gros ADN
viral connu jusque-là. Lors d’analyses de leur génome, les chercheurs ont pu
découvrir que certains gènes que l’on trouve chez les animaux, les plantes ou
encore chez les organismes cellulaires sont présents chez le Mégavirus.[3]
Faisant
partie des plus grands virus connus, les Pandoravirus, découverts en 2013, sont
des virus particuliers. Le Pandoravirus Salinus a été découvert à l’intérieur
d’amibes présentes dans des eaux chiliennes et le Pandoravirus Dulcis dans une
mare d'eau douce en Australie. Les noms des différents Pandoravirus ont été
donnés en référence à leur forme d’amphore et à la grande quantité de gènes
inconnus. Ces virus géants se placent en tête des précédents de par leur
taille, pouvant les apparenter à une bactérie. Des études plus approfondies ont
prouvé qu’ils ne possèdent pas les propriétés pour être considérés comme des
cellules vivantes. Ceci s’explique par le fait qu’ils ne peuvent pas produire
eux-mêmes leurs protéines, récupérer de l’ATP (Adénosine Triphosphate) ou même
se reproduire par division. Pour cela, ils ont besoin d’un hôte, donc d’amibes.
Les Pandoravirus restent donc, d’après le CNRS, classés en tant que virus. Par
ailleurs, l’analyse de leur génome a permis de retrouver seulement 7% de gènes
connus, déjà rencontrés dans d’autres organismes. Les 93% restant n’ont jamais
été rencontrés et pourraient donner une grande quantité d’informations sur ces
nouveaux virus géants (nous pouvons visualiser la composition et la forme de
ces virus dans l’image ci-dessous).
À ce jour, de
multiples espèces de virus géants restent à découvrir. Le monde des virus nous
réserve de nombreuses surprises.[4] [5] [6]
Ces trois
grands virus ont peu de points communs avec les autres virus, ils se
différencient par leurs différentes caractéristiques, telles que leur taille,
leur mode de réplication ou leur génome. Pour la réplication, dans le cas des
virus normaux, ils s’accrochent à une cellule hôte (eucaryote, bactérie…) puis
leur capside pénètre dans le cytoplasme. Par la suite, l’acide nucléique est
libéré par la dégradation de la capside. L’ADN est alors transcrit et traduit
dans le cytoplasme pour produire des protéines virales. Pour finir, elles sont
assemblées en virions dans le cytoplasme, qui sont libérés en dehors de la
cellule lors de la lyse de celle-ci. En ce qui concerne les virus géants, ils
ne peuvent entrer directement dans la cellule, en raison de leur taille, c’est
pourquoi ils sont phagocytés. Ils ciblent alors les amibes. Les virus géants,
comme Mimivirus et Mégavirus, ont un matériel génétique suffisamment complet
pour se répliquer sans utiliser le noyau de la cellule. Cependant, ils sont
dépourvus de ribosomes et de matières premières, c’est pourquoi ils utilisent
ceux contenus dans le cytoplasme de leur hôte pour la synthèse de leurs
protéines. Suite à cela, comme pour les petits virus, les protéines des géants
sont assemblées en virions qui seront libérés. Enfin, la dernière différence
est leur nombre de gènes. Les virus normaux possèdent une dizaine de gènes
tandis que les plus grands, tels que Pandoravirus et Mégavirus, en ont
plusieurs milliers. Le patrimoine génétique des virus géants dépasse donc de
loin celui des virus traditionnels.[7]
Les
différences entre les virus normaux et géants sont donc assez frappantes même
si des similitudes peuvent être trouvées comme nous pouvons le voir sur le
tableau ci-dessous.
Les découvertes, les analyses et les caractéristiques de tous
ces virus géants ont amenés à la remise en cause de plusieurs critères depuis
leur découverte. En effet, cela détruit ou complète les définitions déjà mises
en place.
Pour pouvoir
y voir plus clair, nous pouvons parler des critères ayant été établis par André
Lwoff à la fin des années 1950 pour définir les virus qui ont été revus et
réfutés :
- Les virus normaux ne possèdent
qu’un seul type d’acide nucléique (ADN ou ARN), mais les virus géants
contiennent des particules embarquant des ARN messagers qui traduisent
immédiatement des protéines.
- Les virus ne possèdent pas de métabolisme énergétique et doivent donc
parasiter obligatoirement des cellules. Or, certaines bactéries, comme
Chlamydia, n’en possèdent pas non plus ou du moins ne produisent pas assez
d’ATP
- La reproduction d’un virus met en jeu son acide nucléique. De plus, les
virus que nous connaissons sont incapables de se reproduire hors de la cellule
qu’ils infectent. C’est pour cela que certains scientifiques pensent que les
nouveaux virus devraient être considérés comme des formes de vie à part
entière, du fait de leurs capacités exceptionnelles. En effet, les virus géants
ont besoin partiellement d’une cellule hôte pour se reproduire.
- Les virus géants
utilisent le génome de la cellule hôte pour synthétiser leurs protéines. Cette
idée est en cours de réfutation. En effet, il a été découvert que des fonctions
centrales au processus de traduction des virus géants sont codées dans leur
propre génome.
Les critères
établis par André Lwoff qui définissaient la frontière entre un virus et les
organismes cellulaires sont donc remis en question. Pouvons-nous dire que les
virus géants font parties du monde des vivants ? A l’instar des bactéries ?
Chaque
scientifique ayant son propre avis, il est encore difficile de confirmer une
telle hypothèse qui marquera un tournant dans l’histoire de la science.
Dernièrement, des hypothèses sont venues appuyer cette idée d’organisme
cellulaire. En effet, des chercheurs supposent que les virus géants sont issus
d’un microorganisme ancestral. Ils seraient devenus avec l’évolution un
parasite suite à la perte d’une fonction essentielle. Il y aurait eu une
dégradation irréversible de leur génome par la perte progressive de gènes. Cela
expliquerait donc leurs différences avec les virus que nous connaissons
aujourd’hui et leurs ressemblances avec les organismes vivants, notamment les
bactéries.
Cette
recherche de nouveaux virus nous permettrait de remonter dans le temps et de
découvrir, peut-être, une nouvelle ou ancienne espèce qui se serait éteinte.
Les virus géants en seraient les derniers témoins.
Une autre
question se pose au sujet de ces découvertes : les virus géants sont-ils
dangereux pour l’Homme ?
Pour le
moment la réponse reste floue. Plusieurs études ont montré un lien entre des
pneumonies et la présence de Mimivirus chez des patients. Il n’est alors pas
impossible que les autres ayant été découverts soient aussi dangereux. Sans
compter le fait que nous ne savons rien de leur origine et de leur mode
d’action précis. Le plus dangereux reste la recherche : les quêtes
d’explorations se font notamment en profondeur des glaces où des virus comme
Pithovirus ont survécu 30 000 ans suite à la congélation. Il faut donc être
prudent car nous ne savons encore rien de leur forme d’attaque et de survie.
De plus, des expériences menées en laboratoire ont démontré
que les virus géants, autre que Mimivirus, ne seraient pas capables de
parasiter une cellule hôte humaine.[8] [9] [10]
Les virus
géants ont apporté un changement de la vision du monde microscopique et de ce
qui le compose. En effet, certaines définitions ayant été établies au cours des
années sont aujourd’hui réfutées ou complétées grâce à de nouvelles entités
biologiques. L’arbre généalogique de ces virus s’est donc agrandi. Ceci traduit
donc une découverte importante pouvant influencer notre avenir ainsi que nos
méthodes scientifiques. Ce n’est que le début d’une nouvelle ère scientifique
pour la microbiologie.
BIBLIOGRAPHIE:
- [1] Didier
Raoult ; Stéphane Audic.(14/10/2004).CNRS dépasser les frontières:Séquence
complète
du Mimivirus, virus géant à ADN. http://www2.cnrs.fr/presse/communique/568.htm [consulté le
01/03/2017]
- [2]
Ilous.M. ; La scola.B. (28 mars 2003). Mimivirus : découvertée d'un virus
géant.
http://www2.cnrs.fr/presse/communique/26.htm
.[14/03/2017]
- [3]
Jean-Michel Claverie. Megavirus, le virus géant qui étonne les
scientifiques.
https://www.imm.cnrs.fr/actualites/megavirus-le-virus-geant-qui-etonne-les-scientifiques
. [consulté le 03/03/17]
- [4] Le
Monde.fr avec AFP. (08.09.2015 à 08h09). Découverte d'un nouveau virus géant
en
Sibérie.http://www.lemonde.fr/sciences/article/2015/09/08/decouverte-d-un-nouveau-virus-geant-en-siberie_4748713_1650684.html
.[consulté le 26/02/17]
- [5]
inserm.fr. (19/07/2013). Pandoravirus : découverte d’un chaînon manquant
entre le
monde
viral et le monde cellulaire.http://www.inserm.fr/layout/set/print/espace-journalistes/pandoravirus-decouverte-d-un-chainon-manquant-entre-le-monde-viral-et-le-monde-cellulaire
. [Consulté le 14/03/17]
- [6] Janlou
Chaput.(23/07/2013).Futura Santé : Record du virus géant : les pandoravirus
prennent
la tête. http://www.futura-sciences.com/sante/actualites/biologie-record-virus-geant-pandoravirus-prennent-tete-47893/
.[consulté le 01/03/2017]
- [7] James
Van etten. (mai 2012). Les virus géants. Pour la Science, n°415.
http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/article-les-virus-geants-29662.php
. [consulté le 02/03/17]
- [8]
Jean-Michel Clavierie, Chantal ABERGEL.Virus Géants.
http://www.universalis-edu.com.ezproxy.u-pec.fr/encyclopedie/virus-geants/
.[consulté le 02/03/2017]
- [9] Joël
Ignasse. (07/09/15). Un nouveau virus géant dans le permafrost. Sciences et
Avenir.
https://www.sciencesetavenir.fr/fondamental/un-nouveau-virus-geant-decouvert-dans-le-permafrost_23310
. [consulté le 05/03/17]
- [10] Julien
Bourdet.(27/03/2014).Le mystère des virus géants.
https://lejournal.cnrs.fr/articles/le-mystere-des-virus-geants
.[consulté le 02/03/2017]