L'intolérance au gluten une pathologie sur-médiatisée mais sous diagnostiquée

Soukaina AKHOUIRI ; Nancy ANNA ; Coline AUCOULON ; Laura BIGEARD-LECORDIER ; Alexandra FAURE ; Eliza PIRONAL

Qu’est-ce que le gluten, qu’est- ce que l’intolérance au gluten ? Deux questions que vous vous êtes déjà certainement posées. En effet le gluten fait débat, tant dans l’industrie agroalimentaire que dans les médias. Manger “sans-gluten” est devenu un mode de vie, supposé plus sain pour le corps, voire un phénomène de mode, accompagné d’une grande ampleur médiatique. Mais pour d’autres c’est une pénible obligation. Le gluten, composé de protéines de la famille des prolamines et gluténines, est présent un peu partout dans notre alimentation : dans le blé et ses dérivés (farine, pâtes), dans l’avoine et d’autres céréales. Il sert aussi de liant, on le retrouve dans des conserves de viandes, des yaourts, des plats préparés… Les personnes souffrant d’intolérance au gluten n’ont d’autres choix que de les enlever de leur alimentation. Mais les personnes souffrant de maux intestinaux ne soupçonnent pas toujours cette maladie et peuvent être effrayés par la complexité du diagnostic. D’autre part, certaines personnes s'auto diagnostiquent intolérante au gluten à tort, s’appuyant sur les médias ou par simple effet de mode, sans prendre conscience des modifications imposées à leur organisme.

Nous allons traiter dans cet article de l’intolérance au gluten, pathologie surmédiatisée et sous-diagnostiquée.

Qu’est-ce que l’intolérance au gluten ?

L’intolérance au gluten, appelée aussi maladie cœliaque est une pathologie chronique et auto-immune, entraînant une réponse immunologique dirigée contre nos propres tissus intestinaux, déclenchée après l’ingestion de gluten.
Elle est causée par la présence de protéines de gluten dégradées partiellement au niveau de l’intestin grêle. Ces fragments non digérés vont passer au travers des jonctions serrées des tissus de l’intestin grêle. L’enzyme transglutaminase tissulaire 2 modifie la structure de ces fragments, leurs conférant un pouvoir antigénique, elles sont aussi appelées peptides opioïdes.
Ils vont provoquer une réaction immunitaire déclenchant la production d’anticorps de type IgA contre la gliadine du gluten et la transglutaminase tissulaire 2. Cela entraîne une réponse inflammatoire causant l’atrophie des villosités intestinales.
Leur destruction rend difficile l’absorption de certains nutriments (calcium, vitamines, fer…). (Source 9)
Il ne faut pas confondre l’intolérance avec la sensibilité au gluten qui elle ne fait pas intervenir de réponse auto-immune. Les symptômes sont toutefois identiques suite à l’ingestion de gluten : douleurs articulaires, fragilité osseuse, migraines, aphtes chroniques, ballonnements, troubles du sommeil, vomissements, perte de poids, constipation, diarrhée, gaz intestinaux, ralentissement des mouvements péristaltiques.
La quantité de patients diagnostiqués intolérants au gluten ne cesse d’augmenter. Elle touche environ 500 000 personnes en France. Y a-t-il une catégorie plus apte à exprimer cette intolérance ?


Les personnes les plus touchées

Environ 1% de la population souffre de la maladie cœliaque, touchant davantage les adultes que les enfants. (Source 9) Chez les adultes, les premiers symptômes apparaissent vers 40 ans, mais 20% des personnes ne sont diagnostiquées qu'à 60 ans. Les femmes sont 3 fois plus touchées que les hommes, représentant ainsi 70% des personnes atteintes. Les plus jeunes sont aptes à exprimer cette pathologie, plus spécifiquement l’enfant de 6 à 12 mois et les adultes de 20 à 40 ans.
Une prédisposition génétique pourrait contribuer à l’apparition de la maladie. Un enfant a plus de risque d'être intolérant au gluten si un de ses parents l'est. Il existe une probabilité de 20% d’être atteint si un membre proche de la famille l’est. Les principaux gènes en cause, sont appelés gènes HLA de type DQ2 et DQ8. Mais, la prédisposition génétique doit se combiner avec différents facteurs pour déclencher la maladie. Les facteurs environnementaux peuvent être responsables d’infections intestinales, ainsi que le stress engendré par une grossesse ou une opération… La présence de certaines maladies dans la famille comme le diabète, le psoriasis (maladie chronique et bénigne de la peau)  et les maladies auto-immunes sont aussi un facteur de risque.

Les pathologies liées

La mauvaise absorption de nutriments due à l’atrophie des villosités intestinales cause de nombreux maux tels que la malnutrition, l’anémie (manque de fer), ostéoporose (manque de calcium et de vitamine D causant une perte de densité osseuse), calculs rénaux (absorption anormale d’oxalates).
D’autres pathologies, non liées à la détérioration des intestins, peuvent subvenir en cas d’intolérance au gluten :
-   la neuropathie (atteintes des nerfs provoquant des engourdissements, des douleurs, des troubles neurologiques ou des crises d’épilepsie),
-      l’arthrite,
-     la dermatite herpétiforme, d’une atteinte cutanée qui résulte de démangeaisons et une sensation de brûlure.
Les intolérants au gluten comptent un grand nombre de personnes infertiles.
Des cancers de l’intestin peuvent être observés, ou encore des lymphomes gastro-intestinaux.
Ces pathologies surviennent notamment lorsque la maladie cœliaque tarde à être décelée. (Figure 2)

Une autre piste a été étudiée : celles des peptides opioïdes. Ils peuvent occuper et saturer  les récepteurs biochimiques spécifiques aux dérivés morphiniques entraînant des dérèglements du comportement et favorisant le développement de maladies dégénératives et du système nerveux central ; ce qui entraîne une perturbation de l’apprentissage, de la socialisation et l’affectivité.
Le Pr. Reichelt a effectué des  recherches sur le lien entre  l’autisme et l’intolérance au gluten, selon lui un lien entre les deux pathologies est fortement probable ; il a révélé la présence quasi constante à des taux élevés, de peptides opioïdes dérivés du gluten dans les liquides biologiques d’enfants autistes.



Pourquoi est-ce une pathologie sous-diagnostiquée ?
Maladie encore incomprise

Les symptômes “communs”  de cette maladie peuvent être apparentés à de nombreuses autres maladies, rendant son diagnostic compliqué. On retrouve des perturbations digestives telles que des diarrhées, des nausées et des vomissements. On peut ajouter à cela une perte de poids, une fatigue chronique, des anémies, ainsi que des aphtes. (Source 1)
Les symptômes varient d'un patient à un autre, ce sont souvent les complications dues à l'intolérance au gluten qui permettent de la diagnostiquer.
Une fois cette maladie suspectée, des analyses sanguines sont réalisées: s’il y a détection de la présence d’anticorps, une biopsie et une endoscopie de la partie haute de l’intestin grêle sont faites, afin de déceler des lésions éventuelles de celui-ci. On compte encore beaucoup de « faux négatifs » suite à la prise de sang, c’est pourquoi en cas de combinaison de symptômes, ces examens sont nécessaires. (Source 2)
Les conditions de diagnostic et les symptômes variables ont en fait une maladie encore incomprise.

« C'est une maladie sournoise à diagnostiquer: la pluralité des symptômes, leur intensité variable ou parfois même leur totale absence rendent son identification très difficile. C'est souvent l'apparition de complications associées comme les douleurs abdominales, de la diarrhée, l'anémie, ou un soudain amaigrissement qui permet de la détecter »
Pr Christophe Cellier, gastro-entérologue à l'Hôpital européen Georges Pompidou à Paris

Pas de réel traitement

Un diagnostic difficile va de pair avec un traitement quasi inexistant. Il n’y a toujours pas de réel traitement médical pouvant la combattre ou la réduire. Pour l’instant, la seule issue est  d'opter pour un régime sans gluten à vie, qui dans la majorité des cas entraîne la disparition complète des symptômes, permet de traiter les carences et de prévenir ou guérir d'éventuelles complications. Cette guérison se fait souvent en quelques semaines, les symptômes persistant rarement après plusieurs mois sans gluten. Depuis quelques années, des produits “gluten free” commercialisés dans la majorité des grandes enseignes de distribution facilitent ce régime, ainsi que l’ouverture de restaurants dits sans gluten dans les grandes villes.

En quoi le gluten représente-t-il une pathologie surmédiatisée ?
Phénomène de mode

Dans le domaine de la nutrition, de plus en plus de régimes d’exclusion ne reposent sur rien sauf à suivre la mode. Le sans gluten suscite un certain engouement, même chez les non intolérants. (Figure 1)

De nombreuses stars, comme Novak Djokovic, tennisman numéro 1 mondial suit un régime sans gluten, car il est intolérant. Dans son livre Service gagnant : une alimentation sans gluten pour une parfaite forme physique et mentale, il en vante les bienfaits  sur ses performances, ce qui influence de nombreuses personnes à arrêter le gluten. (Source 10)



Les magazines féminins sont également nombreux à défendre ce régime, considéré plus sain et équilibré. Pour des médecins comme le Pr Christophe Cellier, se priver de gluten n’a aucun bénéfice, précisant qu’« il n’existe aucune explication rationnelle, ni aucun bénéfice démontré chez des gens qui ne se plaignent de rien ».
Cet effet de mode banalise la maladie et favorise les amalgames, déjà nombreux, entre choix médical ou simple mode de vie. (Source 2)
Depuis 2009 et par le biais des médias dénonçant le gluten comme coupable de tous les maux, l’industrie agroalimentaire a su en tirer profit par des gammes sans gluten. (Source 10)

Les auto-diagnostics

L’intolérance au gluten provoque des diarrhées, vomissements, ballonnements, douleurs musculaires, décrits sur de nombreux sites internet et dans les médias, sans forcément parler du diagnostic médical (Source 2). Les personnes souffrant de ces symptômes ont ainsi tendance à s’auto déclarer intolérantes au gluten.
De plus, la fibroscopie gastrique et la biopsie de l’intestin grêle effraient les patients, qui préfèrent se déclarer intolérant au gluten quitte à le faire à tort, et suivre un régime sans gluten. Soulagés, ils ne consultent pas pour un diagnostic plus poussé ou considèrent leurs symptômes comme normaux. (Source 6)

«Souvent, les gens s'auto diagnostiquent et dans de nombreux cas l'intolérance au gluten est confondue avec l'allergie au blé - qui est une pathologie semblable à toutes les autres allergies alimentaires - ou avec ce que l'on appelle l'hypersensibilité au gluten, qui provoque des réactions telles que des maux de ventre chez les personnes qui en consomment»
Pr Christophe Cellier, gastro-entérologue à l'Hôpital européen Georges Pompidou à Paris

Connue depuis l’Antiquité, la maladie cœliaque touche 1% de la population occidentale. Elle peut se déclencher à tout moment et se manifeste par des diarrhées chroniques, perte de poids vomissements, perte de poids,  fatigue, problèmes neurologiques et articulaires…
Son diagnostic n’est pas facile du fait de la diversité des symptômes, mais il reste malgré tout décelable. En effet, d’après le Pr. Cellier 80% des personnes en souffrant "ne sont pas diagnostiquées et ne suivent pas un régime sans gluten qui est pourtant le seul traitement de leur maladie existant à ce jour". Il n’existe pas de traitement définitif, la seule solution efficace est un régime sans gluten à vie. Ces éléments en font une pathologie sous diagnostiquée. Mais d’autres pathologies provoquent ces symptômes et ne nécessitent pas un régime sans gluten.
L’hypersensibilité au gluten fait penser à une intolérance, mais elle, ne provoque pas d’atrophie intestinale. Cependant le même régime sans gluten est nécessaire. (Source 5)
          Le gluten s’invite partout, dans la vie des stars, la presse féminine ou télévisée, les packagings alimentaire, et est rapidement devenu le vilain petit canard à éviter. Les médecins précisent que le régime sans gluten est sans danger mais sans intérêt pour les tolérants. Une chose est sûre, la surmédiatisation de cette pathologie profite à l’industrie agroalimentaire.



Source 1
 Association Stelior.INTOLÉRANCE AU GLUTEN.http://www.intolerancegluten.com/index.html.(consultée le 10/03/2017)

Source 2
Association Française des intolérants au gluten.La maladie coeliaque.http://www.afdiag.fr/intolerance-au-gluten/la-maladie-coeliaque/. (consultée le 11/03/2017)

Source 3
Thierry Souccar Editions.(2014).La maladie coeliaque : Le gluten, qu’est ce que c’est ?.http://www.thierrysouccar.com/nutrition/info/le-gluten-quest-ce-que-cest-857.(consulté le 15/03/2017)

Source 4
Le Figaro.fr.().Santé: Intolérance au gluten.http://sante.lefigaro.fr/mieux-etre/nutrition-pratique/intolerance-gluten/quels-symptomes.(consulté le 15/03/2017)

Source 5
Le journal des Femmes.Santé médecine.net.(2017).Gluten-Intolérance, sensibilité, allergie-Définitions.http://sante-medecine.journaldesfemmes.com/faq/16203-gluten-intolerance-sensibilite-allergie-definitions.(consulté le 15/03/2017)

Source 6
Haute Autorité de Santé.(2007).Recherche d’anticorps dans la maladie coeliaque : Diagnostic et suivi de l’observance du régime sans gluten. http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/rapport_maladie_coeliaque.pdf.(consulté le 15/03/2017)

Source 7
Haute autorité de Santé.(2008).Quelles recherches d’anticorps prescrire dans la maladie coeliaque ?. http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/fiche_buts_maladie_coeliaque.pdf.(consulté le 15/03/2017)

Source 8
Bioxa Laboratoire.(2017). Intolérance au gluten : le point de vue du laboratoire.http://www.bioxa.fr/Intolerance-au-Gluten-le-point-de,129.(consulté le 15/03/17)

Source 9 :
Mon intolérance au gluten.(2017). Un peu de précision… Qu’est que le gluten?. http://www.mon-intolerance-au-gluten.fr/2052-2/.(consulté le 15/03/17)

Source 10 :
Sans gluten : entre vraie intolérance et effet de mode http://blogs.epjt.fr/wp-epjt-2015/21501894t/2016/04/30/la-tendance-du-sans-gluten/.(consulté le 15/03/2017)