Alexis BERTRAND, Tik Sum CHAN, Maéva FANCHIN, Gwendoline MINOT, Julia VEILEX
Nous décelons parfois dans
l’environnement qui nous entoure des phénomènes très particuliers, parfois même
inexplicables. Au fur et à mesure du temps qui passe, nous sommes dans la
capacité d’expliquer au mieux ces singularités qui font d’un être vivant son
caractère exceptionnel. Tiraillé entre deux mondes bien définis, Elysia chlorotica est un être vivant qui ne peut être placé dans un seul de ces deux
mondes. Nous verrons donc comment Elysia chlorotica, limace mi animal, mi végétal joue sur une dichotomie entre deux règnes
que tout oppose en nous intéressant dans un premier temps aux différentes
caractéristiques de cet animal pour ensuite comprendre les phénomènes qui
traduisent sa particularité c’est-à-dire la photosynthèse et le transfert de
gènes.
Figure 1 : Schéma
Taxonomique d'Elysia chlorotica
|
Afin de comprendre les
multiples facettes de cet animal bien particulier, il est tout d'abord nécessaire de replacer Elysia chlorotica en suivant divers critères taxonomiques [1]. En effet, cet animal appartient au règne appelé Animalia. Ce dernier créé par Linné en
1758 englobe des organismes eucaryotes, pluricellulaires, mobiles et
hétérotrophes ou en d’autres termes : qui se nourrissent de matières
organiques. Si l’on suit le schéma d’un arbre qui se ramifie en branches de
plus en plus petites, on remarque que l’embranchement ou branche principale relié directement
au tronc de l’arbre se prénomme Mollusca.
Les êtres vivants qui appartiennent à cet embranchement se distinguent
anatomiquement par 3 parties distinctes : la tête, la masse viscérale et
le pied. La tête regroupe les organes sensoriels et la bouche contenant
elle-même la radula qui n’est autre que la langue spécifique des mollusques. La
masse viscérale quant à elle contient les viscères retenus dans une tunique
autrement appelée manteau. Ce dernier sécrète la coquille de la plupart des
mollusques. Pour finir, le pied est un organe musculeux spécifique des
mollusques leur assurant une certaine mobilité. La branche suivante se nomme la
classe et Elysia chlorotica s’insère donc dans les Gastropoda.
Ce qui distingue l’embranchement de la classe et la torsion de la masse
viscérale. De plus on remarque que le pied évoqué précédemment est aplati en
une large sole ventrale. A ce stade, les mollusques concernés peuvent être
unisexués ou hermaphrodites (comporte les deux sexes), ovipares ou vivipares
(le développement embryonnaire se fait à l’intérieur de l’utérus). Si l’on suit
de la même manière les ramifications de l’arbre, on observe qu’Elysia chlorotica appartient à la
sous classe des Othogastropoda, au super ordre des Heterobranchia et à l’ordre des Opistobranchia.
Les animaux qui appartiennent à cet ordre sont presque exclusivement marins et
généralement nommés « limace de mer ». Selon l’étymologie grecque, le nom de cet
ordre provient de « opisthen » qui signifie « vers
l’arrière ». Ces limaces de mer possèdent effectivement des branchies à
l’arrière du cœur. De plus à ce stade, on constate que les animaux sont
dépourvus de coquilles ou d’opercule. On remarque cependant que la protection
que leur apporterait cette coquille est substituée à une stratégie défensive particulière.
En effet, ces limaces sont très colorées et présentent de nombreuses formes de
camouflage leur permettant de se cacher des prédateurs. En cas de capture, elles
possèdent une capacité d’autotomie, c’est-à-dire de perdre volontairement une
partie non vitale de leur corps pour échapper aux agresseurs. Anatomiquement,
on observe deux paires de tentacules : des tentacules buccaux permettant
au mollusque de sentir son chemin et ce que l’on appelle des rhinophores,
présents au nombre de deux et qui permettent à l’animal de trouver sa
nourriture. En cas de danger, la limace peut les rétracter pour éviter de les
perdre. Elysia chlorotica appartient également au sous ordre Sacoglossa.
Ce dernier englobe les limaces de mer étant pour une grande majorité
herbivores. Elles se nourrissent d’algues vertes ou brunes et certains de ces
animaux (notamment Elysia chlorotica) ont la capacité d’ingérer les chloroplastes de ces plantes et de s’en
resservir pour effectuer la photosynthèse. L’arbre touche à sa fin, Elysia chlorotica appartient à la
super famille des Placobanchoida et à
la famille des Placobranchidae
regroupant des Sacoglosses dépourvu de coquilles possédant un corps mince,
allongé et des extensions latérales appelées parapodes. Au final, on aboutit au
Genre Elysia dans lequel s’inscrit la principale concernée : Elysia chlorotica.(figure 1)
- Les caractères d'Elysia chlorotica
Figure 2 : Dessin de la limace Elysia chlorotica repliée et ouverte |
Elysia chlorotica est un mollusque de la classe
des gastropodes. C’est une limace dite « limace de mer » car elle vit
dans les eaux peu profondes le long de la côte Atlantique nord-américaine, qui
s’étend du Canada à la Floride. [2,3]
Elle mesure environ 1 à 3 cm
voire 6 cm grand maximum. [2,3] Au cours de sa vie Elysia chlorotica passe par deux
grandes étapes : le premier stade est le stade juvénile qui correspond à
l’étape de véligère larve, à ce moment-là elle est équipée d’une coquille ainsi que de cils permettant
sa mobilité. Elle se développe et devient une jeune larve brune translucide
avec de petits points rouges. La seconde étape est le passage à l’âge adulte,
ses parapodes s’étendent le long de chaque côté de son corps. Déployée elle
ressemble à une feuille faisant apparaitre ses vaisseaux dorsaux qui font
office de nervures. Elle possède un corps gélatineux ainsi qu’une radula lui
permettant de se nourrir. Ce stade ne s’effectue qu’après la consommation
d’algues ainsi qu’une exposition au soleil. [4] (figure2) En effet, elle se nourrit
principalement de
l'algue Vaucheria
litorea. C’est durant cette alimentation qu’elle va être
capable de « voler » et de stocker les chloroplastes dans son tube digestif. Les chloroplastes
vont ensuite être intégrés dans les cellules de la limace. [5] C’est après cette ingestion qu’elle va s’exposer au soleil et
ainsi pouvoir bénéficier d’une source en nutriments quasi inépuisable par le
biais du phénomène que l’on nomme photosynthèse. C’est ce qui lui permettra de
se nourrir durant le reste de sa vie. C’est ce même phénomène qui lui confère
une couleur verte-émeraude caractéristique de cette espèce lui donnant parfois
le nom d’« élysie émeraude ». [1]
Elle doit cette
caractéristique spécifique au gène psbO qui code la synthèse d’une protéine
indispensable pour la photosynthèse. Or ce gène est identique à celui retrouvée
chez l’algue, Elysia a donc pris ce
gène pour son propre bien être. Elle a pu acquérir ce gène grâce à un transfert
dit transfert horizontal de gènes, technique utilisée en général par les bactéries.
De plus, elle est capable de transmettre ce gène à sa descendance, néanmoins
les chloroplastes ne sont pas transmis, c’est pourquoi les jeunes limaces sont
obligées d’aller se nourrir d’algues pour poursuivre leur croissance et
acquérir les chloroplastes. [4]
Concernant la reproduction, E.Chlorotica est une espèce
hermaphrodite. Et même si elle est capable de se reproduire seule, elle va cependant préférer
la fécondation croisée. [4]
Au niveau de la chaine alimentaire, de par sa forme et sa couleur Elysia
bénéficie d’un très bon camouflage parmi les algues, elle n’a donc pas
réellement de prédateur connu à ce jour. [4]
A propos des caractéristiques d’Elysia
chlorotica, nous avons relevé ses côtés végétaux et animaux.Tout d’abord, la première chose qui distingue les animaux des végétaux
est la mobilité. En effet les plantes sont fixées par leurs racines, tandis que
les animaux ont une morphologie qui leur permet d’être très mobiles.Ensuite,
alors que les végétaux possèdent peu de variétés de tissus et d’organes, les
animaux ont une anatomie très diversifiée. [6] Comme nous
l’avons vu, Elysia chlorotica est composée de nervures, de parapodes, d’un appendice, de deux
antennes et d’une radula. De
plus, les animaux atteignent un âge adulte à partir duquel leur croissance est
terminée, tandis que les végétaux grandissent jusqu’à leur mort.
Enfin, de loin la plus
importante distinction entre les animaux et les végétaux est leur source d’énergie.
[6] Les animaux
sont des êtres hétérotrophes, c’est-à-dire
qu’ils sont incapables de synthétiser leur propre matière organique et
doivent, par conséquent, consommer des molécules organiques exogènes pour
produire de l’énergie et des
molécules carbonées. Ils trouvent donc leur source
d’énergie dans la nourriture. Les végétaux, au contraire, sont
autotrophes : ils produisent leur propre matière organique source
d’énergie à partir de matière inorganique. Ils vont ainsi produire du dioxyde de carbone (CO2) grâce à la photosynthèse.
C’est donc par ce phénomène
que la limace de mer devient particulière. Elle est un animal de par sa
mobilité et sa structure fonctionnelle, mais utilise la photosynthèse comme
source d’énergie, mécanisme jusqu’alors réservé aux végétaux possédant des
chloroplastes.
- Une limace mi-végétale mi-animale
Elysia chlorotica étant un animal,
l’utilisation de chloroplastes comme source d’énergie est contraire à sa nature
puisque la synthèse et l’utilisation de ces chloroplastes nécessite la pratique
de la photosynthèse qui est un mécanisme réservé au monde
végétal.
Cependant Elysia chlorotica y arrive en
« volant » certains gènes de l’algue Vaucheria litorea. Les recherches actuelles expliqueraient ce
« vol » par un transfert horizontal de gènes entre Elysia et Vaucheria à l’aide d’un virus encore
inconnu. [7] Ce transfert entre les deux espèces est appelé kleptoplastie. Pour
rappel, le transfert horizontal de gènes, opposé au transfert vertical qui
représente les gènes transmis par hérédité, s’effectue entre deux organismes
dont un possède un gène qui va être transmis à l’autre par transformation,
conjugaison ou transduction. [8] Dans le cas d’Elysia le
transfert se ferait par transduction puisque l’utilisation d’un virus serait
nécessaire. Cependant les transferts horizontaux de gènes, peu importe le mode
de transmission, sont assez spécifiques des espèces procaryotes, voire de
certaines espèces eucaryotes unicellulaires (levures). Un tel transfert entre Elysia et Vaucheria serait donc une grande découverte puisque ce serait le
premier transfert horizontal de gènes démontré à ce jour entre deux espèces
pluricellulaires. Cette limace de mer
pourrait donc être un modèle pour comprendre comment ce phénomène hors du
commun se produit. Pour revenir aux gènes capturés par Elysia, les plus intéressants sont les gènes PsbO et Psk puisque ce
sont les gènes principaux qui permettent de coder les protéines
chloroplastiques et de les synthétiser. [7] Cela permet au gastéropode
d’utiliser les chloroplastes absorbés, de les réparer si besoin et surtout de
les garder actifs. En effet, sans la présence de ces gènes qui servent à coder 90% des protéines
nécessaires au bon fonctionnement des chloroplastes (les 10% restants étant
directement contenu dans le chloroplaste), ces derniers ne pourraient survivre
plus de deux semaines. [7] Par la suite, plusieurs
chercheurs essayant de comprendre comment ce phénomène était possible se sont
interrogés quant à l’endroit où ces gènes s’étaient incorporés. Ils ont donc
séquencé le génome entier d’Elysia mais
à la surprise générale, les gènes n’y apparaissent pas. Cette découverte remet
donc en cause le transfert horizontal entre Elysia
et Vaucheria car lors d’un tel
transfert, les gènes transportés par le virus sont directement intégrés dans le
génome de la cellule réceptrice. [8] Nous avons interrogés Mary
RUMPHO, professeure au sein du département moléculaire et biologie cellulaire
de l’université du Connecticut et qui étudie l’Elysia Chlorotica. Elle nous a indiqué que les nouvelles informations à propos de l’absence
d’intégration du génome ont remis en question plusieurs années de recherches et
que par conséquent son laboratoire ne supporte plus l’idée qu’il y ait un
transfert permanent entre les deux espèces. Cette même chercheuse a émis
l’hypothèse que des acides nucléiques de l’algue résideraient dans l’ADN
extrachromosomique de cette dernière, ce qui expliquerait l’absence de ces
gènes dans la séquence. La limace s’en servirait grâce à un contact avec Vaucheria litorea. Les études continuent
et la recherche de l’emplacement des gènes également mais il faudra
probablement attendre encore plusieurs années avant de comprendre totalement
comment Elysia chlorotica parvient à
capturer les gènes de Vaucheria litorea.
Une chose sûre et qui n’est plus contredite cependant, est la capacité d’Elysia chlorotica à pratiquer la
photosynthèse et à l’utiliser pour sa propre survie.
- La photosynthèse
La photosynthèse est un processus dans lequel l'énergie lumineuse est
utilisée pour synthétiser des molécules organiques à partir des molécules
minérales. Ce mécanisme concerne surtout les organismes phototrophes, un
organisme qui utilise de l'énergie lumineuse pour réaliser leur synthèse de
matière organique. Elle se déroule dans le chloroplaste, un organite composé de
deux membranes séparées par un espace intermembranaire. Il possède un réseau de
sacs qu'on appelle thylakoïdes. C'est dans ces sacs qu'on retrouve les
chlorophylles, ce qui donne la couleur verte. On trouve aussi des gouttelettes
lipidiques, de l'ADN et de l'amidon dans le liquide du stroma. [9]
La photosynthèse se déroule en deux étapes : la phase photochimique,
aussi appelée la phase claire, et la phase chimique (la phase sombre). La phase
claire correspond à la conversion de l'énergie lumineuse en énergie chimique
qui dépend de la lumière ainsi que la production des molécules de dioxygène (O2)
à partir de l'eau (H2O). L'énergie chimique produite est sous forme
d'Adénosine TriPhosphate(ATP) ou de produits réduits. La phase sombre
correspond à la réduction de dioxyde de carbone (CO2) en molécules
organiques comme le glucose [9] (figure 3).
C'est un couplage osmochimique où l'ensemble des réactions
d'oxydoréductions permet de créer un gradient de concentration (contenant de
l'énergie). Cette énergie est ensuite récupérée pour produire de l'énergie sous
forme d'ATP grâce à l'ATP synthase. Et enfin, l'équation globale de cette
réaction est : 6 CO2 +6H2O→C6H12O6+6O2
Elysia chlorotica ne possède pas de chloroplaste à sa
naissance et c'est une espèce hétérotrophe (organisme utilisant une source de
carbone organique pour la synthèse de ses molécules organiques comme le
glucose). Mais lorsqu'elle ingère une certaine quantité de Vaucheria litorea (algue), elle stocke les chloroplastes de cette
algue dans son système digestif. Au fil du temps, les chloroplastes sont
totalement intégrés dans son organisme et peuvent être capables de produire des molécules organiques nécessaires
à la survie de la limace. Selon une étude réalisée par l'université de
Connecticut et d’Heinrich-Heine, les gouttelettes lipidiques contenues dans les
chloroplastes de V. litorea jouent un
rôle important dans la protection et la stabilisation du chloroplaste au sein
de la limace. [10]
Ainsi Elysia chlorotica, limace de mer, est un animal unique ayant de surprenantes capacités à
se comporter comme un végétal. En utilisant les chloroplastes de l’algue Vaucheria litorea ingérée, elle
est capable de survivre plusieurs mois de manière autotrophe.
Cependant, les mécanismes
de transferts des chloroplastes restent encore difficiles à expliquer. Les recherches
effectuées au sein de l’Université du Connecticut n’ont donné
aucune preuve de transfert génique réellement permanent vers le génome de la
limace.
Cette limace des mers touche
ainsi les limites de la science en prouvant que tous les phénomènes naturels ne
sont pas explicables à ce jour.
Sources:
[1]Elysia chlorotica. http://fr.wikipedia.org/wiki/Elysia_chlorotica . (Consulté le 6 Avril 2015)
[2]Charlyjo. Limace de Mer : cas unique d'Animal doué de Photosynthèse. http://planete.gaia.free.fr/animal/mollusques/limace.photosynthese.html (consulté le 12 Avril 2015)
[2]Charlyjo. Limace de Mer : cas unique d'Animal doué de Photosynthèse. http://planete.gaia.free.fr/animal/mollusques/limace.photosynthese.html (consulté le 12 Avril 2015)
[3]Paul Keirn. Aux origines
de la vie -1 : le transfert "horizontal" des gènes. http://www.natures-paul-keirn.com/article-aux-origines-de-la-vie-1-le-transfert-horizontal-de-genes-122525532.html (consulté le 12 Avril 2015)
[4]Chelsea Blanchet. Elysia chlorotica. http://animaldiversity.org/accounts/Elysia_chlorotica/ (consulté le 8 Avril 2015)
[5] Grégoire Macqueron. Une limace de mer fabrique de la chlorophylle ! .
http://www.futura-sciences.com/magazines/nature/infos/actu/d/zoologie-limace-mer-fabrique-chlorophylle-22216/ (consulté le 8 Avril 2015)
[6] Pierre Davoust. Animal ou végétal ? . http://www.ecosociosystemes.fr/animal.html (consulté le 10 Avril 2015)
[7]Hans. Du côté de chez Elysia chlorotica. http://du-cote-de-chez-elysia-chlorotica.blogspot.fr/2013/01/mais-qui-est-donc-elysia-chlorotica.html. (Consulté le 4 avril 2015)
[8]Transferts horizontaux de gènes et phylogénie. http://pages.infinit.net/p1nchtr3/mecanismes.htm. (Consulté le 18 avril 2015)
[9]François Moreau et Roger Prat. La photosynthèse.
http://www.snv.jussieu.fr/bmedia/Photosynthese-cours/index.htm (consulté le 17 Avril 2015)