De nouvelles méthodes de détection du cancer s’avèrent prometteuses en mettant à profit les grandes capacités d’animaux comme le chien ou le pigeon.
A l’heure où le cancer est l’une des principales causes de mortalité dans le monde, les méthodes de détection de cette maladie demeurent pourtant laborieuses. En effet, cette pathologie, caractérisée par la prolifération de cellules anormales générant des tumeurs, est difficile à détecter avec précision. Et si les moyens de dépistage sont certes nombreux, ils sont souvent limités, car spécifiques d’un seul type de cancer ou pas assez sensibles, en plus de posséder d’autres inconvénients comme la difficulté d’application ou le coût. Biopsies, mammographies, fibroscopies, toucher rectal sont autant de procédures inconfortables et faisant surtout preuve d’une efficacité incertaine. Les méthodes actuelles n’étant donc pas infaillibles, cela entraîne des conséquences fâcheuses en cas de mauvais diagnostic. Impact psychologique pour le patient en cas de faux positif, mais aussi économique lors de la mise en place d’examens complémentaires pour finalement découvrir un résultat négatif. Sans compter les faux positifs qui entraînent des conséquences encore plus dangereuses [1]. Dans un contexte où les cas de nouveaux cancers ne cessent de se déclarer, il devient primordial de mettre au point de nouvelles méthodes plus performantes. L’urgence serait de pouvoir détecter plus facilement ce fléau grandissant qu’est la maladie. Depuis quelques décennies, trois facteurs entrent en compte dans cet accroissement du nombre de malades : l’explosion de la démographie, le vieillissement global de celle-ci et l’augmentation de la fréquence des cancers [2].
Afin de pallier cette élévation inquiétante, la recherche s’attèle à améliorer les outils déjà à disposition mais aussi à développer des méthodes plus innovantes et qui se veulent moins invasives. Toutefois, les cancers pouvant prendre plusieurs formes et atteindre différents stades, la tâche s’avère longue et ardue. Or, depuis peu, des études se focalisent sur les aptitudes qu’ont certains animaux à détecter les cancers.
Dans le monde en 2012, 14 millions de nouveaux cas de cancers sont
déclarés et on compte 8.2 millions de décès causés par la maladie. La France
compte 355 000 nouveaux cas à cette période, le cancer de la prostate pour
l’homme et celui du sein pour la femme étant les plus fréquents [3].
UN NEZ TRÈS FIN
En 1989,
un chien était agité à proximité d’un grain de beauté situé sur la jambe de sa
maîtresse, il passait son temps à le renifler et montrait une attitude anxieuse.
Celle-ci y accordait peu d’attention, mais, intriguée par le comportement de
son chien, a fini par consulter. Il s’agissait d’un mélanome, un cancer de la
peau. Officiellement, c’était la première fois qu’un chien décelait la présence
d’une maladie chez l’Homme. Il faudra tout de même attendre les années 2000 avant
que des recherches plus poussées soient enfin menées à propos de ce phénomène.
Entre-temps, d’autres cas ont été signalés où des chiens ont démontré leur
aptitude à identifier différents cancers de type solide. Plus précisément des
carcinomes, provenant des cellules épithéliales, qui composent le
« revêtement » des organes. Ces carcinomes concernent les maladies comme
le cancer du sein, de la prostate, de l'intestin, des poumons ou encore de la
peau. Parfois, il arrive que certains traitements anti-cancer, indispensables
pour guérir de la maladie, puissent eux-mêmes provoquer l'apparition différée de
nouvelles cellules malignes, on parle alors de cancers secondaires. Ceux-ci sont
eux aussi détectables par l’odorat canin. Au vu de déterminer et exploiter
au mieux la capacité des chiens à discerner des cancers très variés, des études
sur la localisation du cancer par le nez canin ont été développées dans
divers laboratoires du monde entier. En Allemagne, des chiens sont parvenus à identifier de manière positive
l’haleine de personnes étant atteintes de cancer du poumon. En parallèle, en France, un
oncologue/urologue est parvenu à prouver la capacité des chiens à détecter
le cancer de la prostate dans
les urines. De même, d’autres études ont démontré que les chiens pouvaient
identifier le cancer de l’intestin et
du colon dans les selles. Dernièrement, le chercheur Arny Ferrando a découvert que les chiens pouvaient aussi repérer
dans les urines le cancer de la thyroïde. La capacité des chiens à détecter divers
cancers solides repose sur un principe simple. Ces cancers ont en commun
l’action d’expulser des composés volatiles organiques (COV) qui sont retrouvés dans les urines ainsi que dans
l'air expiré à un stade précoce de la maladie. Cette habileté à détecter le
cancer à un stade précoce promet une prise en charge plus rapide de la maladie,
et donc de meilleures chances de guérison. Lors du développement des cancers, des
molécules volatiles sont issues de la membrane des cellules. Ces molécules sont
ainsi détectables par la truffe de chien – qui possède de 120 à 220 millions de
cellules sensorielles, contre 5 millions pour l’être humain. L’odorat canin est
donc largement supérieur à celui de l’homme. D’après les études du Dr Uri
Yoel, les chiens capables de détecter les cellules tumorales du sein démontrent également leur habileté à déceler d’autres
cellules cancéreuses issues de diverses zones. Cela indiquerait que la molécule
détectée par les animaux et qui leur permet d’identifier les tumeurs serait identique
pour tous les types de cancer [5].
Figure 1. Taux de réussite des études portant sur la détection
des cancers par les chiens. [4]
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L’ACUITE VISUELLE DU PIGEON
Tout comme les chiens, d’autres animaux sont
capables de diagnostiquer efficacement des cancers, à l’instar des pigeons. En
effet, ces derniers ont l’aptitude de détecter les cancers du sein. Le cancer
du sein appartient à la catégorie des cancers solides. En ce qui concerne le
cancer du sein, on retrouve des carcinomes caractérisés par des cellules
cancéreuses proliférant à l’intérieur de canaux galactophoriques, canaux
transportant le lait excrété par les glandes mammaires jusqu’au mamelon [6]. Le
grand risque évolutif du cancer du sein réside dans la délocalisation de
celui-ci vers d’autres organes. Effectivement, les cellules cancéreuses migrent
par les voies et les ganglions lymphatiques et vont se localiser dans d’autres
organes. Ce phénomène est appelé métastase. Majoritairement, la détection d’un
cancer se fait, suite à un examen physique complet par le médecin, par mammographie.
Cette technique de radiographie permet d’acquérir des images de l’intérieur du
sein à partir de rayons X et d’ainsi repérer les anomalies [7]. Actuellement,
ces anomalies sont détectées par des cancérologues expérimentés mais dans le
futur, les pigeons pourraient être amenés à prendre le relais. Une étude menée
par des chercheurs de l’université de Californie à Davis et de l’université de
l’Iowa révèle que les pigeons de ville (Columbia Livia) sont capables de faire
des diagnostics de cancers pratiquement aussi justes que ceux faits par des
cancérologues. Ils détectent ces cancers grâce à des clichés. Leur capacité à
diagnostiquer ces cancers vient donc de leur système visuel qui est quasiment
identique au nôtre, ainsi que de leur fabuleuse mémoire. Dans cette étude,
plusieurs expériences ont été réalisées à l’aide de groupes de 4 à 8 pigeons.
Ces expériences servent de modèle dans les études expérimentales sur la
détection de cancers [8]. La première expérience a duré deux semaines. Les pigeons
ont été entraînés 1h par jour à étudier 144 clichés. Ils devaient déterminer si
un cliché d'une biopsie contenait ou non une cellule maligne. Pour cela, les
pigeons devaient taper du bec sur une ligne bleue si la cellule était maligne
ou une ligne jaune si la cellule était bénigne. Quand ils répondaient correctement
ils recevaient automatiquement une récompense sur un plateau. Pour approfondir les recherches, les animaux étaient
entraînés sur des clichés en noir et blanc, avec des couleurs différentes, des
taux de compression numérique plus ou moins élevés, ou encore des contrastes
variables. Ces expériences ont permis de démontrer que la modification de ces
paramètres a un impact significatif sur les taux de réussite. De nouvelles
pistes ont ainsi pu être ouvertes dans l’espoir d’utiliser les pigeons pour
améliorer la présentation visuelle des biopsies et par la même occasion faciliter
le diagnostic des cancers pour les pigeons comme pour les médecins. Durant une
seconde phase d’entraînement, les animaux étaient présentés aux mêmes clichés
ainsi que d’autres, inédits. Certains clichés déjà présentés ont été agrandis,
retournés à différents degrés en plus d'être soumis aux mêmes modifications que
lors de la première phase d'entraînement. Les résultats sont restés
sensiblement similaires, et les volatiles ont une fois de plus prouvé leurs
capacités d’adaptation et de mémorisation. De plus, l’efficacité de la méthode
a pu être améliorée d’une manière simple et peu coûteuse grâce à un système de
récompense automatique. Au début de ces expériences, le taux de réponses
correctes des pigeons était d'environ 50%. Après avoir mis en place un distributeur
de friandises lorsque les pigeons répondaient correctement, leur taux de
réussite a fortement augmenté. Mais malgré des taux de réussite élevés, leur efficacité
reste tout de même inférieure à celui d'un spécialiste humain. Une seconde
expérience d’envergure a par la suite été mise en place. L’objectif était de
déterminer si les animaux étaient capables de détecter des cancers dans des
situations où l’homme est impuissant. Les pigeons ont donc dû essayer de
repérer des micros calcifications sur des mammographies [9]. Ces micros
calcifications permettent un diagnostic précoce du cancer du sein mais sont
difficilement identifiables par un médecin. Les résultats de ce test ont montré
que les pigeons pouvaient certes détecter ces anomalies, mais le tout de
manière trop aléatoire. En parallèle, les chercheurs ont tenté de leur faire
différencier les « masses » malignes ou bénignes sur une mammographie, sans
succès. Ces échecs ont toutefois permis de déterminer des limites à leurs
capacités de détection. Si les pigeons ne sont donc pas encore aptes à
remplacer les médecins dans les hôpitaux, leurs compétences pourraient servir à
tester de nouvelles techniques d’imagerie numérique : chaque fois qu'un nouvel
outil de diagnostic serait créé, il devra être présenté à des pigeons pour
qu'il détermine son efficacité et son intérêt, puis il passera la dernière
phase de test faite par les médecins, qui est longue et coûteuse. Le but final
étant de concevoir des systèmes automatiques de reconnaissance de cette
pathologie.
A savoir: Biopsie : Prélèvement d’un fragment
de tissu ou d’organe dans le but d’affiner ou établir un diagnostic.
Micro
calcification : petit dépôt calcaire dans le sein,
parfois révélateurs de cancer.
Figure 2. Taux de succès de détection du cancer par les pigeons
et les hommes [9]
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ANIMAUX ET ADAPTATIONS TECHNOLOGIQUES
Malgré
l’efficacité avérée des animaux à détecter des cancers, il subsiste des
contraintes importantes empêchant d’y avoir un recours massif. Il n’est ainsi
pas envisageable d’introduire de trop nombreux chiens dans les hôpitaux. De
plus, les coûts d’élevage et d’entretien d’animaux dépisteurs de cancers sont
conséquents, de même que l’espace de vie qui leur est nécessaire. Pour remédier
à ces problèmes, on s’intéresse actuellement au développement d’alternatives
artificielles, inspirées des capacités animales. De ce fait, des chercheurs du
monde entier se penchent depuis plusieurs années sur l’odorat canin, qui décèle
une combinaison particulière de molécules associées au cancer. L’enjeu du projet vise donc à
exploiter les exceptionnelles prouesses olfactives de l’animal comme un outil
de détection facilement applicable et faisant preuve d’une grande efficacité.
Cette idée de concevoir un « nez électronique », aux compétences similaires
à celui de la truffe canine est une nouvelle voie de recherche économiquement
viable [10]. La recherche essaie donc de définir la fameuse
combinaison de molécules liées à la maladie pour pouvoir créer des machines
aptes à les déceler. Il s’agit de déterminer les
biomarqueurs des composés organiques volatiles (COV) présents dans les
échantillons d’haleine ou d’urine. Une étude préliminaire récemment publiée
dans le British Journal of Cancer, a révélé que des chercheurs, au
Technion-Israël Institut of Technology de Haïfa, ont développé un capteur
utilisant des nanoparticules qui distinguent avec succès une haleine saine
d’une haleine cancéreuse. Il mesure en effet les niveaux de COV dans les
échantillons en provenance de patients atteints de cancer du poumon, du sein,
du côlon ou de la prostate, permettant de distinguer les différents types de
cancer. La recherche se poursuit en espérant la mise au point d’un nez
artificiel dans le cadre d’une étude plus vaste et de parvenir à mettre au
point un capteur en vue d’une utilisation clinique. Du côté des pigeons, force
est de constater que malgré leurs capacités étonnantes, ils ne sont pas prêts de
remplacer des médecins, notamment car ils sont inaptes à prendre une décision
contextuelle. C’est donc pour cela qu’il est préférable d’utiliser des
technologies plutôt que des pigeons pour détecter des cancers. Mais
contrairement au « nez électrique » que les scientifiques tentent de
concevoir, il serait beaucoup plus difficile d’imiter la vue du pigeon. Des essais
prometteurs ont pourtant déjà été réalisés pour concevoir des programmes
capables d’imiter l’acuité visuelle des pigeons. Une application mobile est
déjà en projet afin de pouvoir détecter des cancers de la peau. Il suffirait de
prendre une photo d’un mélanome de la peau pour savoir si ce dernier est
cancérigène ou non, cette application a ainsi obtenu un taux de succès de 85%
pendant ses tests ; ce qui est supérieur au taux des médecins généralistes
et s’approche de celui des dermatologues. L’application est encore en phase
d’évaluation mais une commercialisation prochaine pourrait être envisagée.
En quête d’autres alternatives, certains chercheurs développent
des procédés permettant de tester les capacités d’autres animaux à détecter les
cancers. Suite à de nombreuses expériences, il a été établi que les abeilles ou
encore les chats démontrent eux aussi une habileté à repérer les COV
révélateurs de la maladie. Des études plus poussées sont actuellement en cours.
Le travail avec les animaux recèle donc encore beaucoup de promesses.
Bibliographie
[5].
Willis, Carolyn M., Susannah M. Church, Claire M. Guest. « Olfactory
Detection of Human Bladder Cancer by Dogs: Proof of Principle Study ». BMJ 329, no 7468 (23
septembre 2004): 712. doi:10.1136/bmj.329.7468.712.
Webographie
[1].
« Dépistage du Cancer ». http://www.oncoprof.net/Generale2000/g03_Depistage/g03_d01.php. Page consultée le 15 mai 2016.
[2].
« OMS | Cancer ». WHO. http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs297/fr/.
Page consultée le 15 mai 2016.
[3].
« Le cancer en chiffres | Fondation contre le Cancer ». http://www.cancer.be/les-cancers/le-cancer-en-chiffres. Page consultée le 15 mai 2016.
[4].
Hugo Jalinière. « La truffe du chien, avenir du dépistage du
cancer ? » sciencesetavenir.fr. http://www.sciencesetavenir.fr/sante/20150311.OBS4344/la-truffe-du-chien-avenir-du-depistage-du-cancer.html. Page consultée le 15 mai 2016.
[6].
« Les points clés - Cancer du sein | Institut National Du Cancer ». http://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Les-cancers/Cancer-du-sein/Les-points-cles. Page consultée le 16 mai 2016.
[7].
« Des pigeons formés pour repérer des cancers du sein ». GuruMeditation,
21 novembre 2015. http://www.gurumed.org/2015/11/21/des-pigeons-forms-pour-reprer-des-cancers-du-sein/.
[8].
Roman Ikonicoff. « Science et vie ». http://www.science-et-vie.com/2015/11/les-pigeons-demontrent-une-incroyable-capacite-a-identifier-des-cancers/. Page consultée le 15 mai 2016.
[9].
Cadot Julien. « Des pigeons savent détecter les cancers sur des radios -
Sciences – Numerama ». http://www.numerama.com/sciences/132108-les-pigeons-savent-detecter-les-tissus-cancereux.html. Page consultée le 15 mai 2016.
[10]. « La
truffe du chien, sans égale pour dépister le cancer de la prostate | Actualité
| LeFigaro.fr - Santé ». sante.lefigaro.fr. http://sante.lefigaro.fr/actualite/2014/05/21/22370-truffe-chien-sans-egale-pour-depister-cancer-prostate. Page consultée le 15 mai 2016.