Les nano-médicaments sont apparus il y a 10 ans afin de
traiter des cancers. Paul Ehrlich, qui peut être considéré comme le père de la
chimiothérapie qui a reçu le prix Nobel de médecine en 1908, a pensé que l’on
pourrait éliminer des cellules cancéreuses grâce à un médicament qui ciblerait
la cellule sans jamais la rater. Il a ainsi eu l’idée du concept de nano-médicament.
En 1977, Paul Speiser un des précurseurs des nanotechnologies et Patrick
Couvreur un chercheur, arrivent à placer des principes actifs dans des
nano-capsules qui se dissolvent au cours du temps. Les nano-médicaments sont
nés.
Qu’est ce qu’un
nano-médicament ?
Le principal défaut des médicaments classiques reste l’effet
secondaire. Pour l’éviter, une des solutions serait
de diminuer la dose de médicaments administrée. Cependant, en faisant cela, le
médicament est beaucoup moins efficace. La seule solution envisageable est de
faire en sorte que le médicament n’atteigne que les organes cibles.
Les nano-objets et les nanotechnologies reposent sur des
outils de l’ordre du millionième de millimètre. Cette taille infiniment petite
donne de nombreux avantages dans différents domaines : l’énergie, l’informatique,
etc.
De plus, les nanotechnologies peuvent largement
contribuer au progrès dans le domaine de la santé de part de nouveaux
diagnostics plus poussés et de nouvelles approches thérapeutiques. Les
nombreuses propriétés des médicaments issus des nanotechnologies, leur
permettent de dépasser les limites des traitements classiques, comme la
chimiothérapie et ainsi d’éviter l’imprégnation de l’organisme.
Ces nano-médicaments sont des médicaments disposant d’une
fonction téléguidée. Un « véhicule » appelé vecteur est capable de
transporter la molécule du principe actif directement jusqu’à la zone infectée.
Grâce à des
scientifiques comme Patrick Couvreur et Paul Speiser, la vectorisation des
médicaments est née et permet le ciblage du principe actif vers le site
d’action et par leur taille nanométrique, de rentrer dans une cellule tumorale
afin d’y déverser le principe actif. Ce processus réduit donc la toxicité et
augmente l’efficacité des molécules thérapeutiques en les adressant
spécifiquement aux cellules malades sans endommager les cellules saines et sans
qu’elles soient distribuées ailleurs dans l’organisme.
Les nanovecteurs ont la propriété de garder le principe
actif à l’intérieur de leur capsule et de l’acheminer là où est sa visée
thérapeutique. Sur la surface de la capsule peuvent se trouver des
fonctionnalités chimiques selon la destination du nano-médicament dans
l’organisme. Il existe trois sortes de vecteurs différents pour les nano-médicaments :
les vecteurs de première génération, de deuxième génération et de troisième
génération. Chacun de ces vecteurs à des propriétés différentes et donc une
utilisation singulière.
Les nanovecteurs de
première génération sont, la plupart du temps, sous la forme de liposomes, une
vésicule qui peut être facilement dégradée par le corps, il peut aussi se
trouver sous la forme de micelles. Ces vecteurs n’ont pas de modifications
chimiques à leur surface. Ils sont introduits par voie intraveineuse, le nano-médicament
se retrouve donc dans la circulation sanguine. Dans la circulation sanguine se
trouvent des protéines comme les opsonines qui vont s’adsorber à la surface du
liposome grâce à des interactions hydrophobes fortes. Les opsonines qui
adhèrent au liposome expriment que cette nanomolécule fait partie du non soi.
L’organisme les reconnaît comme des corps étrangers. Les liposomes passent au
niveau de l’épithélium des vaisseaux sanguins discontinus du foie. Les cellules
de Küppfer étant des macrophages ayant pour rôle de nettoyer l’organisme des
corps étrangers. Les macrophages ont des récepteurs reconnaissant les opsonines
présentes sur le liposome. Les liposomes vont se retrouver dans le macrophage
par endocytose dans des endosomes. Suite à cela ils fusionnent et génèrent un
pH acide. Ce pH acide détruit les endosomes et libère donc le principe actif
dans le macrophage qui va pouvoir être diffusé à travers la membrane plasmique
de cette cellule pour atteindre les cellules hépatiques malades.
Nanovecteur de première génération
|
Les nanovecteurs de
deuxième génération se différencient de ceux de première génération par la
différence de composition de la surface du vecteur. On part des nanovecteurs de
première génération sur lesquels on greffe des chaines de polyéthylène glycol
(PEG), qui sont des polymères hydrophiles. Le nanovecteur obtenu est appelé
PEGylé. La voie d’administration est la même que celle des nanovecteurs de
première génération : par voie intraveineuse. Ces liposomes se retrouvent
dans la circulation sanguine. Les vecteurs de deuxième génération vont donc
rencontrer les opsonines mais, du fait que des polymères de polyéthylène glycol
aient été greffés à sa surface, ils vont empêcher l’adsorption des opsonines.
C’est pourquoi les liposomes PEGylés sont appelés furtifs car ils ne sont pas reconnus
comme des composants du non soi. Du fait que les opsonines ne soient pas sur le
vecteur de deuxième génération, il ne va pas y avoir reconnaissance au niveau
du foie avec les récepteurs des macrophages hépatiques et ils vont donc rester
dans la circulation sanguine plus longtemps, ce qui témoigne de leur efficacité
à viser d’autres tissus que celui du foie. C’est au niveau d’un tissu malade
autre que les cellules hépatiques qu’il y a un endothélium vasculaire
discontinu. Il y a une diffusion passive du liposome entre les vaisseaux
sanguins et le tissu malade. Le liposome est dégradé et le principe actif
libéré pour agir sur les cellules malades.
Nanovecteur de deuxième génération
|
Les nanovecteurs de troisième génération sont faits à partir
des nanovecteurs de deuxième génération. Ceux-ci ont la propriété particulière
de pouvoir rentrer à l’intérieur des cellules, donc leur visée est
intracellulaire. En plus des polymères de polyéthylène glycol à la surface du
vecteur, on rajoute des ligands comme par exemple de l’acide folique. On les
injecte par voie intraveineuse. Les récepteurs à l’acide folique sur les
cellules cancéreuses sont hyper exprimées donc les vecteurs seront choisis de
manière sélective, c’est l’adressage moléculaire. Dans la circulation sanguine,
les opsonines ne peuvent s’y fixer, donc ces liposomes ne sont pas reconnus
comme corps étrangers de l’organisme. A proximité d’un tissu tumoral, les
vecteurs de troisième génération rencontrent un endothélium discontinu. Ils vont
diffuser passivement au travers de l’épithélium discontinu et atteindre la
tumeur. Les liposomes se fixent sélectivement sur les récepteurs de la cellule
cible tumorale grâce à l’acide folique. Ils se
retrouvent à l’intérieur de la cellule par endocytose grâce à l’annexe avec
l’acide folique sur la cellule tumorale et fusionnent entre eux. Cela augmente
le pH et donc détruit les liposomes en libérant le principe actif du nano-médicament
à l’intérieur de la cellule malade.
Nanovecteur de troisième génération
|
Quelles utilisations
pour la recherche aujourd'hui ?
Les nano-médicaments qu’ils soient de première, deuxième
ou troisième génération peuvent soigner et pourront soigner un grand nombre de
maladies notamment des maladies graves en ciblant des organes spécifiques. Ils
peuvent par exemple soigner certains cancers et même des maladies
neurologiques. De nombreuses recherches sont en cours.
Pour le traitement des cancers, une dizaine de médicaments sont déjà
commercialisés, comme le Doxil® ou l’Abraxane®, d’autres font l’objet d’essais
cliniques. En cancérologie les propriétés physiques des nanoparticules sont
également utilisées. La société Nanobiotix a créé une nanoparticule NanoXray®
faite d’oxyde d’hafnium. Ce composé permet d’augmenter l’efficacité des rayons
X. Les nanoparticules sont injectées dans la tumeur. Quand le patient est
soumis à la radiothérapie, elles émettent des électrons afin de détruire la
tumeur. Cette méthode permet de ne pas endommager les tissus sains. Ce produit
sera certainement commercialisé à la fin de l’année 2016.
Des recherches sont également en cours pour soigner des maladies
neurologiques notamment en encapsulant de l’adénosine. C’est une molécule qui
agit sur plusieurs récepteurs centraux et périphériques. Cependant, sa demi-vie
dans le sang est très courte et elle ne peut pas traverser la barrière
hématoencéphalique. Elle ne peut donc pas être utilisée pour soigner des
maladies neurologiques. L'Institut
Galien, l'Université turque Hacettepe et le CEA-IBITECS ont vectorisé
l’adénosine avec du squalène, un lipide, pour former un nano-médicament afin de
traiter des traumatismes de la moelle et des accidents vasculaires cérébraux.
Ils ont remarqué que la demi-vie de l’adénosine est alors augmentée.
Dans quelques années, les nano-médicaments pourront
certainement soigner des maladies sévères comme le choléra, la maladie
d’Alzheimer, des scléroses en plaque, des maladies infectieuses. Les
nano-médicaments présentent beaucoup d’avantages mais également des
désavantages. Ils sont amenés à évoluer dans le futur.
Aujourd’hui, les nanotechnologies se trouvent au cœur du
domaine de la recherche médicale, et cela depuis quelques années déjà. Ainsi, grâce
à ces technologies, les chercheurs tentent d’élaborer de nouveaux outils de
diagnostic. Cependant, le but des chercheurs est de favoriser l’action des
nanoparticules au niveau de la région ciblée de l’organisme, celle qui serait
atteinte d’une maladie. De nombreux procédés ont été mis en place pour aboutir à cet objectif. Cela a débuté
en 1995, lorsqu’une filiale de Johnson & Johnson a encapsulé un
anticancéreux, la Doxorubicine®, dans un liposome, ce
dernier étant une sphère de lipide, afin de pouvoir traiter certaines maladies
du cancer. Puis, en 2005, les nanomédicaments de seconde génération
font leur apparition, notamment avec l’Abraxane® qui a pour rôle d’encapsuler
l’anticancéreux Taxol® dans une molécule d’albumine afin d’éliminer les
métastases du cancer du sein. Enfin, un nanovecteur de troisième génération a
été mis au point, le Bind-014®. Il s’agit de l’anticancéreux Taxotere®,
molécule efficace contre les tumeurs de la prostate, du poumon et du sein.
Cependant, lorsque cette molécule se diffuse dans l’organisme, elle peut
s’attaquer à des cellules saines. Par conséquent, le Taxotere® a été encapsulé
par les chercheurs dans un polymère biocompatible, qui est l’acide
polylactique. Ainsi, les antigènes PSMA (Prostate Specific Membrane Antigen) ont été attachés sur
la membrane de l’acide polylactique afin que le Taxotere® puisse être libéré
une fois que cette liaison a eu lieu. De plus, le Bind-014® (un PSMA) peut
sortir du système sanguin uniquement via des porosités propres aux vaisseaux
qui alimentent les tumeurs, et cela du fait de la taille de ce nano vecteur.
Néanmoins, le fait que le Bind-014® puisse être confondu dans le sang avec un
virus par les globules blancs n’est pas exclu, ce qui pourrait causer sa
destruction. Cependant il est enveloppé d’une couche d’un autre matériau
biodégradable qui le rend invisible pour le système immunitaire. Scott Minick,
le directeur général de Bind explique qu’il serait possible de concentrer
jusqu’à dix fois plus de Taxotere® que normalement sans toxicité. Par
conséquent, l’augmentation des doses de ces médicaments pourrait atteindre plus
d’efficacité. Quant aux cancers généralement non traités avec le Taxotere®, le
nano-médicament s’est avéré efficace. L’histoire d’Evelyn Sorensen, révélée
dans le Boston Herald en est un exemple. Il s’agit d’une femme dont le cancer
des cervicales a diminué de 70% dès le premier traitement sans avoir causé des
pertes de cheveux ni de poids. De ce fait, cette femme a survécu, tandis que
les médecins n’en avaient pas la certitude.
On peut constater en effet de
nombreuses initiatives dans le domaine de la nanomédecine. A Fribourg par
exemple, à l’Institut Adolphe-Merkle, Barbara Rothen et Alke Fink tentent de
mettre en place des nano vaccins. Notamment, le groupe de Barbara Rothen
travaille sur des nanoparticules inhalables dans le but de corriger la réponse
aux allergènes de certaines cellules des poumons et rendre les patients sujets
à l’asthme allergique, résistants, voire vaccinés. A l’EPFL (Ecole Polytechnique
Fédérale de Lausanne), une équipe des professeurs, Melody Swartz et Jeffrey
Hubbel mettent au point les nanoparticules constituées de polymères qui pourraient
rendre le système immunitaire résistant aux cellules cancéreuses qui lui échappent.
En Allemagne, MagForce s’est lancée
dans le développement des nanoparticules qui sont chargées de fer et qui vont
pénétrer spécifiquement dans les tumeurs du cerveau. Une fois arrivées, un
champ magnétique externe s’active puis entraine des modifications de polarité
de ces nanoparticules 100 000 fois par seconde afin d’aboutir à une
augmentation de température. Puis, l’augmentation de la température détruit les
cellules cancéreuses ou augmente leur sensibilité à une chimiothérapie. En ce
qui concerne la France, Nanobiotix mène des expériences sur des nano cristaux
qui amplifient la spécificité et l’efficacité des radiothérapies lorsqu’ils se
concentrent dans les tumeurs.
Malgré toutes ces découvertes
scientifiques, l’industrie pharmaceutique reste toutefois en retrait dans ce
domaine. Certaines promesses se sont avérées décevantes. C’est notamment le cas
des inhibiteurs de kinases, à l’exception du blockbuster de Novartis Glivec. De
plus, les entreprises pharmaceutiques tiennent à s’assurer, par le biais des
start-up, de l’efficacité et de la non-toxicité des nano médicaments
En effet, les nano-médicaments doivent être manipulés avec précaution.
Etant très récents, on ne connaît pas leurs éventuels effets à long terme. En
outre, la nanomédecine reste limitée par un manque de financements.
Des enjeux sociétaux et économiques sont aussi à prendre en compte. Au
moment où la nanomédecine sera généralisée, il faudra se poser la question de
l’accessibilité par rapport à l’augmentation du coût de santé. Si les systèmes
actuels de sécurité sociale ne peuvent pas prendre en charge ces nouveaux
traitements, alors seule une minorité pourra en bénéficier, ce qui renforcera
les inégalités dans le monde.
Les nano-médicaments peuvent donc présenter des dangers pour l’homme et
l’environnement à long terme et des enjeux économiques et sociétaux. Il est
donc très important de définir une réglementation stricte pour que leur usage
soit contrôlé et encadré par des lois précises.
Ce composé très
récent dans la recherche et les traitements de maladies graves est donc une avancée
médicale révolutionnaire car il est capable d’effectuer un contrôle dans le
temps et l’espace, de protéger son principe actif tout en ciblant son action,
le rendant alors plus efficace et toléré par l’organisme. Cependant, ces
recherches et ces traitements ont un coût, ce qui nous amène à nous demander si
les nano-médicaments seront un jour autant commercialisés que les médicaments
classiques.
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