La biométrie : un nouveau moyen de sécuriser et rendre plus rapide nos paiements ?

Pauline CELTON, Clara POTTIER, Anthony RODRIGUES


De nombreuses questions se posent quant à la sécurité des cartes bancaires et des mobiles utilisant la technologie Near Field Communication (NFC : communication sans contact). Mais que doit on privilégier : la rapidité ou la sécurité ?
La biométrie est sans doute l'avenir de toute transaction. Cette technologie repose sur le principe d’identification ou d’authentification d’un individu basé sur ses caractéristiques biologiques, physiques, voire comportementales. Quels sont donc les systèmes de biométrie qui pourraient nous permettre de payer rapidement et en toute confiance ?

Des techniques qui ont déjà fait leurs preuves
                  Empreintes digitales

Ce système repose sur l’identification du motif de l’empreinte ainsi que de ses minuties. En effet, l’empreinte digitale est composée de crêtes (stries) et de creux qui forment un motif. Les trois principaux motifs d’empreintes digitales sont les boucles, les tourbillons et les arches. Ceci permet dans un premier temps de classer les empreintes digitales, mais pas suffisamment pour que chaque empreinte puisse être différenciée. Pour cela, il faut identifier certains points d’irrégularité des stries appelés minuties :

  •          Le noyau : point de convergence des lignes (stries)
  •          Les bifurcations
  •          Les intersections de deux stries
  •          Les terminaisons : point où se termine la strie
  •          Les deltas : point de divergence des stries
  •          Les îles
  •          Les lacs



Figure 1: Les différentes minuties qui composent une empreinte digitale (1)


Tous ces points vont être cryptés en un code binaire qui va être enregistré et c’est ce dernier qui va servir à l’identification de l’empreinte. Il n’y a donc en aucun cas sauvegarde de la photo de l’empreinte digitale. Il n’est donc pas possible de pirater l’image ou reconvertir le code en image. [1]

Aujourd’hui, plusieurs banques françaises tel que BNP Paribas, le Crédit Agricole et le Crédit Mutuel, la Société Générale et la Banque Postale ont décidé d’utiliser un système d’authentification par empreinte digitale lors des paiements. Pour cela il faudra être détenteur d’un smartphone androïde (donc non compatibles pour les IPhones) possédant la NFC et télécharger l’application de la banque sur celui-ci. Il ne reste plus qu’à enregistrer sa carte bancaire dans l’application et aller dans une boutique qui possède un terminal de paiement avec la technologie sans contact ou bien acheter quelque chose en ligne. Cette dernière étape, la plus importante pour finaliser l’achat, consiste à poser son doigt sur son smartphone pour s’authentifier et valider le paiement. Le paiement a donc lieu en sécurité puisque seul le détenteur du téléphone peut finaliser le paiement. Et pour les plus réticents, à l’idée de payer avec son portable, sachez qu’aucune donnée bancaire n’est stockée dans le téléphone. Pour chaque achat, un code de carte bancaire unique est utilisé grâce à de nouvelles techniques de sécurisation. [2][3]
Avant cela, Apple avait lancé, sur la même idée du paiement mobile, une sécurisation par empreinte digitale « ApplePay ». Ce système n’est possible que dans certains pays (Australie, Canada, Chine, Singapour, Royaume-Uni et Etats-Unis) et dans les banques partenaires. L’arrivée d’ApplePay en France pourrait se faire dans les mois à venir. [4]

           Reconnaissance des veines 
En Suède, avec l’aide de l’Université de Lund, la start-up Quixter a développé un système de reconnaissance veineuse des mains permettant de régler un achat. Une quinzaine de boutiques en sont dotées et la plupart des étudiants du campus l’utilisent. Quoi de mieux que de payer un repas avec sa main et non plus avec une carte étudiant ou une carte bancaire qui ont tendance à être oubliées ou à se cacher dans nos sacs.
Son utilisation est simple. Il suffit de déposer sa main ou son doigt au-dessus du lecteur PalmSecure de Fujitsu. Une lumière proche de l’infrarouge va permettre de rendre visible vos veines. Un capteur va alors prendre en photo le modèle de vos veines et va comparer celui-ci avec ceux de la base de données. Si ce patron est reconnu, l’identification est validée. Il est nécessaire au préalable de s’être enregistré. Il suffit de donner son numéro de sécurité sociale, son numéro de téléphone et scanner trois fois la paume de sa main. Un lien est envoyé par message permettant de confirmer votre identité pour être reconnu par le scan. Et pour sécuriser encore plus ce système, il est indispensable de taper les quatre derniers chiffres de son numéro de téléphone avant de scanner sa main.  Les utilisateurs doivent posséder un compte Quixter où ils déposent jusqu’à 2500 dollars par période. Les achats effectués sont enregistrés sur un compte Quixter qui sera débité deux fois par mois. [5][6]
Au Japon, certaines banques proposent déjà d’échanger leur code bancaire par une empreinte. Des distributeurs automatiques de billets en sont équipés.[6]



Figure 2: Schéma du mécanisme de lecture du réseau veineux du doigt (2)




En 2012, un essai de 6 mois a été réalisé en France auprès de différentes enseignes proposant le paiement biométrique avec les veines du doigt et les empreintes digitales. La société Natural Security Alliance a créé un partenariat avec quatre banques françaises (BNP Paribas, Crédit Mutuel Arkéa, Banque Accord, Crédit Agricole). Au préalable, les usagers ont dû enregistrer leur modèle veineux ou digital auprès d’une de ces quatre banques en posant leur doigt sur le même terminal de lecture que dans les magasins partenaires. Lors de cette phase, les données biométriques sont traduites en code par un algorithme et sauvegardées dans la puce de la carte bancaire, elle-même glissée dans un étui communiquant. Lors du passage en caisse, le consommateur dépose son doigt sur le lecteur. La lecture du modèle se fait de la même manière que lors de l’enregistrement, mais cette fois-ci le code est comparé aux données sauvegardées sur la puce par l’intermédiaire de l’étui qui émet des ondes plus grandes que la NFC ; il n’est donc pas nécessaire de la sortir de son sac ou de sa poche. Si les données sont les mêmes, la transaction s’effectue. Les résultats de cette expérience se sont révélés positifs : 96% des clients étaient prêts à utiliser cette technologie pour leurs achats quotidiens. [7][8]


Quels sont les dispositifs en cours d’innovation …

Les méthodes exposées précédemment ne sont que le commencement du paiement biométrique puisque de nombreuses choses sont à venir.

           La lecture des empreintes digitales tend à s’améliorer

Il y a quelques mois, VISA et Morpho, une filiale du groupe Safran, entreprise leader mondiale dans le développement de solutions d’identité et de sécurité, ont annoncé leur collaboration dans le développement de nouveaux moyens de sécurisation des paiements. Et leur première grande avancée est la création d’une nouvelle technologie « MorphoWave™ ». Elle permet de capturer et d’identifier 4 empreintes digitales en même temps et en moins d’une seconde. Cette technologie pourrait être utilisée en complément des moyens de paiements habituels (carte bancaire, distributeurs automatiques de billets, terminaux de points de vente …). [9]
De plus, le Japon va démarrer cet été la première phase de son projet qui consiste à rendre les achats pour les touristes plus faciles et plus rapides. En effet, plus besoin de se précipiter pour échanger ses Euros contre des Yen quelques heures avant son départ. Le gouvernement japonais voudrait instaurer un moyen de paiement biométrique pour ses touristes. Dès leur arrivée, ces derniers devront enregistrer leurs empreintes digitales et leurs informations de carte bancaire dans l’aéroport ou dans les autres lieux prévus à cet effet. Ils n’auront ensuite plus qu’à mettre deux doigts dans le lecteur d’empreintes digitales des boutiques qui en sont équipé pour régler leurs achats. Lors de cette première phase seulement 300 boutiques, restaurants et autres lieux situés dans les zones touristiques, seront équipés de ce système mais le gouvernement souhaiterait que cette technologie soit installée dans tout le pays en 2020. [10]

                  Reconnaissance vocale : une arrivée progressive

D’après un article paru sur la voix du Nord « La Banque Postale est la première banque française à obtenir l’accord de la Commission nationale des informations et des libertés (CNIL) pour lancer dès l’été 2016 auprès de tous ses clients une innovation majeure : l’authentification vocale pour le paiement à distance. Cette innovation qui repose sur la biométrie par la voix, renforce la sécurité des paiements, tout en facilitant et en simplifiant les usages des clients. » [11]
Pour bénéficier de ce dispositif, l’utilisateur devra télécharger l’application « Talk To Pay » sur son téléphone portable pour enregistrer sa voix. Ceci permettra la mise en place d’un modèle biométrique unique et propre à celui-ci. Il lui sera aussi demandé d’enregistrer la carte bancaire qu’il souhaite associer à ce modèle. Une fois ces quelques démarches effectuées, le consommateur pourra régler ses paiements sur internet avec le paiement vocal. Lorsqu’il souhaitera terminer un achat sur un site marchand, il sera appelé sur son téléphone mobile et pourra être authentifié grâce à sa voix : il lui suffira de prononcer quelques mots, une phrase qu’il aura sauvegardée sur l’application au préalable, pour vérifier son identité. L’application « Talk To Pay » pourra alors remplir les formulaires nécessaires pour finaliser sa transaction avec les informations précédemment enregistrées. Il est à noter que le système « Talk To Pay »ne se basera pas sur le numéro à trois chiffres (cryptogramme) qui apparaît sur le dos de la carte mais plutôt sur un code à usage unique qui sera généré par le système. Le but serait d’éviter les tentatives de fraude. [11] [13]
La technique biométrique utilisée « se base sur la modélisation physique des caractéristiques du conduit vocal de la personne concernée. Un modèle de voix non réversible est alors constitué mais en aucun cas la voix est enregistrée. Il reproduit une distribution de probabilités de plusieurs caractéristiques de la voix du client. Les caractéristiques biométriques du client ne pourront donc pas être reconstituées à partir du modèle. » [12]

Limites et avantages de ces technologies 

La biométrie associée au paiement possède plusieurs avantages dont les principaux sont la sécurité renforcée face au vol ou piratage et la rapidité de paiement. Selon Christophe Naudin (expert international en criminologie identitaire) : « L'individu reste le meilleur défenseur de son identité. Toutes les solutions d'authentification passeront à terme par la biométrie » (3). Néanmoins ces technologies peuvent occasionner des dysfonctionnements qui peuvent être améliorés dans le temps.
Voyons donc leurs avantages et limites :

                  Les empreintes digitales

L’empreinte digitale étant propre à chaque individu, seule la personne dont l’empreinte a été enregistré peut finaliser l’achat. De plus il n’y a plus besoin de mots de passe, ce qui est un avantage considérable puisque ce dernier peut facilement s’oublier et être aussi « facilement » piraté.
Malheureusement, les empreintes peuvent être reproduites. En effet, celles-ci constituées de crêtes et de stries ont tendance à laisser des traces sur des surfaces ou objets. Les hackers ont réussi à reproduire les empreintes avec du silicone grâce à ces traces. Cette fine couche de silicone peut se poser sur un doigt pour permettre d’avoir accès à l’identité d’autrui. Cependant, cette technique de reproduction demande beaucoup de temps de patience et un coût important.
                  Les veines

C’est une « biométrie sans trace », autrement dit les veines sont à l’intérieur de notre corps, elles ne laissent donc pas de traces sur de quelconques objets ou autres. Le copiage est donc impossible. De plus, la lecture du réseaux veineux ne fonctionne que si le sang circule dans les veines puisque c’est l’oxygène présent dans le sang qui absorbe la lumière. Donc un doigt ou une main coupée d’une personne morte ne peut être utilisé pour usurper l’identité de quelqu’un d’autre. Même avec une peau abîmée, abrasée, une coupure, le système reconnaîtra votre modèle vasculaire qui lui ne sera pas altéré. [14]
Cependant, cette biométrie par lecture du réseau veineux a encore un coût élevé. De plus, on ne peut pas trop conclure face à la viabilité du système car il est encore trop peu utilisé.

                  Reconnaissance vocale

Ce dispositif sera principalement utilisé pour renforcer les critères de sécurité du paiement à distance. Les systèmes d'authentification courants utilisent un seul facteur d’identification, en général un mot de passe. Le principe de l'authentification vocale est d'utiliser plusieurs facteurs d’identifications de nature distincte afin de rendre la tâche plus compliquée à un éventuel attaquant. En effet, ce système biométrique s’appuie sur deux éléments : la réception d’un appel un le téléphone portable enregistré (ce que l’entité détient) et la reconnaissance de la voix (ce que l’entité est). Ainsi la technique de reconnaissance vocale n’a pas vocation de fournir pas un système d’authentification autonome, mais vient renforcer un premier dispositif de sécurité existant, à savoir le téléphone portable de la personne concernée. [12] De cette façon, la Banque Postale espère réduire drastiquement ses taux de fraude sur Internet et mobile. En 2014, selon l’Observatoire de la sécurité des cartes de paiements, 66,5% des fraudes en France étaient encore concentrées sur les transactions à distances.
De plus, l’établissement assure que le système est déjà au point et surtout complètement sécurisé. En effet, il est résistant à la perte de voix (en cas de rhume par exemple), et est résistant au bruit ambiant. Enfin, l’application présente l’avantage d’offrir un parcours d’achat optimisé et de fonctionner sur la totalité des sites marchands. [11]
Malgré cela, il ne s’agit pas d’un système réputé pour être rapide par rapport aux empreintes digitales par exemple. La fiabilité reste à être vérifier du fait que ce soit un système récent pas encore mis en place. Le coût du service n’a pas encore été officiellement communiqué. [13]

La biométrie a donc un avenir prometteur pour les achats de la vie quotidienne. En effet, ses deux qualités principales pour le paiement sont la rapidité et la sécurité face à la hausse des fraudes. L’empreinte digitale est le système biométrique sûrement le plus connu à l’heure actuelle mais le corps humain possède encore bien d’autres éléments permettant l’authentification ou l’identification. On utilise la biométrie pour d’autres finalités. En effet, grâce aux empreintes digitales et à la reconnaissance faciale, la police scientifique réussit à identifier un individu suspect.

RÉFÉRENCES

(1) Réalisée par nos soins
(2) Réalisée par nos soins
(3) RENAUD, Ninon. (2014). Les Echos. Les banques expérimentent l’authentification biométrique. [page consultée le 19/04/2016]. http://www.lesechos.fr/16/07/2014/LesEchos/21729-103-ECH_les-banques-experimentent-l-authentification-biometrique.htm#JiWo0s7FAFQ25o7m.99


BIBLIOGRAPHIE