Dangers de l’utilisation excessive des engrais chimiques en agriculture et alternatives possibles

Mélanie DOISY, Adrien DUBOIS, Virgile LEFRANC, Kimberley LUZOLO-KILEKE, Maïté WANHEM



La population mondiale ne cessant d’augmenter ces dernières décennies, la production agricole a également connu un essor afin de répondre aux besoins alimentaires de cette population. Ce surcroit de production est en partie dû à la grande utilisation d’engrais chimiques.
On définit les engrais chimiques comme des substances organiques ou minérales permettant de dynamiser la croissance des plantes. En effet, les engrais chimiques amènent des éléments qui améliorent la croissance des plantes, permettant ainsi d’obtenir un plus grand rendement agricole. On distingue trois sortes d’engrais : les organiques, les minéraux et les organo-minéraux. Cependant les engrais chimiques ont une mauvaise influence sur les sols et sur l’eau. Les nitrates et phosphates contenus dans les engrais chimiques participent au phénomène d’eutrophisation de l’eau. [1°] C’est à dire des concentrations excessives de nitrates et phosphates dans l'eau ce qui favorise la prolifération d’algues et d'autres micro-organismes indésirables, qui altèrent la qualité de l’eau. En effet les nitrates et les phosphates accèdent aux  nappes phréatiques et aux cours d’eau par infiltration. Selon de nombreuses études, les nitrates seraient également toxiques pour la santé humaine.
Des alternatives peuvent donc être utilisées pour apporter des nitrates aux plantes sans polluer l’environnement. Il s’agit de micro-organismes capables de  fixer l’azote de l’atmosphère et de le rendre assimilable pour les plantes (transformation en nitrates).  Peut-on alors remplacer les engrais chimiques par des micro-organismes capables de fixer l’azote atmosphérique ?

Conséquences de l’utilisation excessives des engrais chimiques

Impacts des engrais chimiques sur l’environnement

Malgré leurs effets bénéfiques pour les plantes, les engrais chimiques ont néanmoins des répercussions sur l’environnement. La plante va absorber 89% de l’engrais pour ses besoins et ne pas utiliser les 11% restant, mais que devient ce qui n’est pas assimilé ? 
Depuis plusieurs années l’utilisation d’engrais azotés contenant de l’ammoniac (NH3) et des ions ammoniums (NH4+) ne cesse d’augmenter ; celle-ci  provoque l’acidification des sols. Ces engrais vont appauvrir les sols en humus, élément apportant des nutriments dont les plantes ont besoins et maintenant la stabilité et la fertilité du sol. Ils vont aussi conduire à la suppression des légumineuses.
L’utilisation excessive d’engrais va réduire la fertilité biologique du sol en décomposant les matières organiques, en provoquant la perte de substance nutritive et en perturbant l’infiltration de l’eau. Par ailleurs, si les sols sont très acides, certains minéraux contenant de l’aluminium pourront se solubiliser alors que d’autres resteront bloqués dans le sol comme les phosphates. La présence d’aluminium dans les sols peut être toxique pour les végétaux.  Lors de l’apport en engrais, les éléments non-absorbés par les plantes seront néfastes à tous leurs écosystèmes. Les plantes vont constamment avoir besoin d’engrais car le sol est pauvre en matière organique et cela va ainsi créer une dépendance. 
Les engrais chimiques  polluent non seulement les sols mais également les eaux. Lors de l’arrosage, l’eau va s’infiltrer dans le sol et emporter avec elle les engrais présents vers les nappes phréatiques. Cela va les contaminer très lentement à cause de l’infiltration de l’eau dans le sol. Les engrais azotés présents dans le sol vont être réduits en nitrates grâce à l’action des bactéries et vont ensuite rejoindre les sources d’eau. Lors de chaque ajout d’engrais, la contamination de l’eau sera faible mais restera durant de nombreuses années. Cela signifie que si l’utilisation d’engrais est réduite au cours des années à venir, l’eau restera contaminée pendant longtemps. Ces éléments solubles dans l’eau sont une des causes de pollution des réserves d’eaux. En effet, aujourd’hui 66% des nitrates présents dans l’eau proviennent de l’agriculture. Aujourd’hui la norme européenne a fixé une concentration en nitrates dans l’eau de 50 mg/L, sur la base des recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Cette trop forte concentration nécessite un traitement long et coûteux de l’eau. De plus, ingérés en trop forte quantité, les nitrates peuvent devenir dangereux pour la santé en raison de leur toxicité.  Il en est de même pour les fleuves et les rivières qui sont eux aussi touchés par cette pollution. Associés aux nitrates, la présence en trop grande quantité de phosphates dans les lacs ou rivières peut provoquer l’eutrophisation. C’est une pollution d’environnements aquatiques assimilant trop de matière nutritive permettant aux algues de proliférer. Les algues proches de la surface se multiplieront de manière excessive grâce aux apports d’azote, de phosphores et de lumière. Lors de leurs décompositions, elles vont libérer de la matière organique biodégradable permettant aux bactéries aérobies de se nourrir en consommant de l'oxygène. Cela va épuiser la concentration d'oxygène et ainsi créer de la matière morte (vase). Cet environnement va perturber la croissance animale et réduire la biodiversité. De plus, cela nuit à l'aspect esthétique et créer des odeurs peu agréables. Les nitrates, issus des engrais chimiques présents dans le sol, vont être dénitrifiés. Cette réaction transforme les nitrates en diazote gazeux (N2) puis en dioxyde de carbone (CO2) et enfin en protoxyde d’azote (N2O). Ces émissions de gaz favorisent l’effet de serre 200 fois plus que le CO2. Elles vont ainsi contribuer au réchauffement climatique et  fragiliser le trou de la couche d’ozone. [2°]
L'utilisation excessive des engrais chimiques va entrainer l’accumulation de nitrates dans les végétaux, ce qui peut représenter un danger pour la santé des consommateurs.

Les conséquences des engrais chimiques sur la santé

Dans l’environnement les nitrates représentent 78 % de l’air respiré par chacun. Ce sont des molécules trouvées sous forme oxydée d’un gaz qui est l’azote. On les retrouve dans l’eau et le sol. Ce sont des composants que l’on retrouve aujourd’hui dans le fumier de bétail, dans les engrais mais aussi dans quelques-uns de nos aliments. La teneur en nitrates et nitrites dans les aliments ou dans l’eau potable nous poussent à se demander quels peuvent être les effets de ces composants sur la santé ? Seront-ils bénéfiques ou néfastes ? 
Les nitrates sont présents naturellement dans nos légumes tels que la betterave, les épinards (plus de 100 mg/kilos). L’apport quotidien varie en fonction des habitudes alimentaires de chacun. Cette teneur en nitrates dans les légumes est aussi modifiée par l’utilisation d’engrais ou de fertilisants chimiques utilisés en milieu agricole [3°]. Le but, étant d’apporter beaucoup plus d’éléments nutritifs à la terre cultivée. Aujourd’hui nous savons que les nitrates peuvent être dangereux pour la santé. [1] Lorsqu’ils sont ingérés, ces molécules sont dégradées en nitrites par la flore buccale par une enzyme (la nitrate réductase) présente dans la salive. Ceux-ci seront absorbés par la suite dans l’estomac et l’intestin par le biais du système digestif. Des effets négatifs des nitrites dans le corps humain ont été révélés lors de la consommation excessive d’un aliment contenant un fort taux de nitrites. Cela va augmenter la formation d’une substance cancérigène dans l’organisme qui est la nitrosamine. C’est un composé chimique dangereux à cause son pouvoir cancérigène élevé. Les bébés de moins de trois mois sont les plus exposés aux effets des nitrites sur la santé. Il faut savoir que les nitrites réagissent avec l’hémoglobine. Ils empoisonnent celle-ci et oxydent le fer qu’elle contient de Fer2+ en Fe3+. Ceci forme ce qu’on appelle la méthémoglobinémie. Cet empoisonnement empêche la fixation de l’oxygène ce qui provoque par la suite des troubles respiratoires. Les nourrissons ne peuvent pas régénérer l’hémoglobine à partir de la méthémoglobine [4°]. Les cas mortels restent cependant très rares. Il n’y a pas de dangers sur la santé des humains quant à l’utilisation des nitrites. Il ne faut cependant pas les ingérer à forte dose ce qui pourrait engendrer la formation de substances dangereuses.

Les micro-organismes impliqués dans la fixation de l’azote atmosphérique

Les plantes ne peuvent pas assimiler l’azote atmosphérique pourtant présent en très grande quantité dans l’air ambiant (environ 80%). L’azote est un élément indispensable à la croissance et au développement des plantes et est, avec l’eau, l’un des facteurs limitant le plus fréquent de la production végétale. Elles peuvent l’assimiler grâce à leurs racines et elles le trouvent donc dans le sol, sous forme minérale (nitrique, ammoniacale, uréique ou cyanamidée). Il provient de la décomposition de la matière organique azotée dans sol, c’est-à-dire des résidus de culture et des déjections animales. La forme la plus facilement assimilable par la plante est l’azote nitrique ou nitrate, composée d’azote et d’oxygène. Sa formule chimique est NO3- et il se forme naturellement au niveau du sol. Les plantes peuvent également assimiler l’azote sous forme d’ions ammonium (NH4+). Le transport des nitrates du sol vers la plante se fait via les racines et grâce à des transporteurs actifs secondaires, symport de nitrate et de H+. Ces transporteurs sont spécifiques du nitrate et les gènes qui les codent sont inductibles, ils ne sont induit que par le NO3-. Le nitrate sera assimilé au niveau cytoplasmique par l’intermédiaire de deux enzymes différentes. Il y a d’abord la nitrate réductase qui permet de transformer le NO3- en NO2- puis la nitrite réductase va agir au niveau du stroma des chloroplastes et transformer le NO2- en NH4+. Enfin l’ammonium sera assimilé dans le stroma et pourra permettre à la plante de synthétiser les acides aminés azotés et bases azotées nécessaires à son développement.
Cependant plusieurs facteurs peuvent influer sur la quantité d’azote minéral présent naturellement dans le sol et la faire baisser fortement. En effet si le sol ne retient pas l’eau, l’azote minéral peut être entrainé en profondeur vers les nappes phréatiques ou cours d’eau voisins, ce phénomène s’appelle le lessivage. Un autre facteur important est l’agriculture intensive, qui a pour effet d’appauvrir énormément les sols. [2] Les plantes récoltées ne retournent pas se décomposer dans le sol, ce qui brise le cycle de l’azote. Ce cycle correspond à la décomposition des plantes produisant de l’azote minéral et des nitrates qui seront puisés par les racines des plantes en développement. Elles s’en servent pour produire de la matière organique azotée, à son tour la plante meurt, se décompose et le cycle recommence. (Voir Figure 1)


 Il est donc indispensable d’apporter artificiellement de l’azote aux plantes. Pour éviter de polluer les sols et les nappes phréatiques, l’utilisation de microorganismes capables d’aider les plantes à fixer l’azote est une bonne alternative.

Les Rhiboziums

Les plantes « légumineuses », sont fréquemment incluses dans la pratique agricole de rotation des cultures en raison de leurs capacités à fixer l’azote. Cette propriété intrigante découle d’une interaction symbiotique de bactéries (rhizobium). [5°] Les rhizobiums (ou rhizobia), sont des bactéries aérobies présentent naturellement dans le sol. Elles s'associent aux légumineuses comme l'arachide, l'haricot, la luzerne, le pois, le soja, le trèfle... . Grâce à cette symbiose, les plantes acquièrent  la capacité à fixer l'azote de l'air. Elles peuvent ainsi s’en servir pour produire leur matière organique. Les rhizobiums augmentent la productivité des plantes mais elles les protègent aussi contre la sécheresse. Cette symbiose entraine la création de nodosités au niveau des racines  nommées nodules. C'est au niveau de ces nodosités que les bactéries réduisent l’azote atmosphérique en composés azotés directement digestibles par la plante. Néanmoins, la symbiose est un processus transitoire. En effet, les nodules sont des organes sénescents et à terme, perdent leur aptitude à fixer l’azote. Il faut donc procéder à des modifications génétiques pour préserver ces organes. [6°] Ces bactéries peuvent donc être une bonne alternative pour limiter l'utilisation des engrais chimiques et ainsi limiter la pollution.

Les algues bleues

Les algues bleues ou cyanobactéries sont des (bactéries) capables de transformer l’azote atmosphérique en azote minéral.  Elles sont d’ailleurs utilisées comme des « engrais verts » pour apporter aux plantes de l’azote directement assimilable. Elles peuvent parfois présenter des associations symbiotiques avec certaines plantes. En effet, elles vont perdre leurs enveloppes, fusionner avec les cellules de la plante et se comporter comme des chloroplastes. La plante ne va pas les rejeter et elles vont se dédoubler au rythme des cellules de la plante hôte. La plante va fournir aux cyanobactéries, du glucose et des nutriments issus de la photosynthèse, tandis que les micro-organismes vont fournir aux plantes l’azote minérale nécessaire à leur croissance.
Par exemple chez la fougère aquatique Azolla, les cyanobactéries se regroupent au niveau de cryptes sur la face intérieure de la feuille. Elles sont ainsi protégées des agressions de l’environnement. La fougère, elle, va profiter des capacités d’absorption d’azote des cyanobactéries. Azolla est utilisée depuis très longtemps dans les rizicultures en tant que plante compagne en raison de ses capacités à fixer l’azote. La symbiose Azolla et cyanobactéries fixe environ 100 à 200 kilogrammes d’azote par hectare et par an. En effet, après un certain temps de culture, elles seront enfouies dans le sol. Elles pourront alors se décomposer et alimenter continuellement le riz en nitrates précédemment synthétisé. Elle est également utile pour bloquer la lumière, ce qui évite la concurrence d’autres plantes sauf le riz qui est repiqué assez grand pour dépasser la couche d’Azolla.

Les Azotobacters

Le genre de bactéries azotobacters appartient à la classe des Gammaproteobacteria. Ce sont des bactéries ovoïdes et larges (jusqu’à 6 µm). Elles sont aérobies strictes, hétérotrophes et capables de fixer l’azote.Ces bactéries présentent un grand intérêt dans l’agriculture, car elles participent à la fertilisation du sol. En effet on les retrouves en grande quantité au niveau de la rhizosphère, tout près des racines des plantes mais également au niveau de la face supérieur ou inférieur des feuilles. Elles sont capables de stimuler la croissance racinaire grâce à la synthèse de phytohormones. En échange les bactéries seront nourries par la plante, mais elle fournira à la bactérie de l’ATP seulement si elle a besoin de nitrates. [7°] Cette fixation serait très efficace pour les cultures de plantes à feuilles larges comme le maïs, la betterave sucrière, le colza, le tournesol…
En attendant la mise en place de ces différents micro-organismes dans l’agriculture, il existe des possibilités pour dépolluer. C’est le cas par exemple des protozoaires. De récentes études menées en 2007-2008 par des chercheurs de pays de l’université de Pretoria en Afrique du Sud ont permis de montrer la relation entre les protozoaires et les phosphates et nitrates. Il y aurait donc trois protozoaires (Aspidicasp., Trachelophyllum sp. et Peranema) qui seraient capable de diminuer les concentrations en nitrate et en phosphate lorsqu’ils sont isolés à partir d’eaux usées provenant de station d’épuration, tout en se multipliant. Ils ont besoin de source de carbone comme l’acétate, le sucrose ou encore de glucose. Ainsi pour le protozoaire de Aspidica sp., en présence du glucose comme source de carbone, sa croissance est directement liée à la diminution de la concentration en nitrate et en phosphate. On observe le même phénomène avec les protozoaires Peranema et Trachelophyllum sp. lorsqu’ils utilisent l’acétate pour Trachelophyllum sp. ou le sucrose pour Perenema comme source de carbone. [3] Ces études réalisées montrent une sorte de décontamination des eaux usées grâce à ces protozoaires qui captent les nitrates et les phosphates. Cette méthode serait intéressante dans le cas de l'eutrophisation de l'eau. Ce moyen de procédé pourrait diminuer les concentrations en nitrates et en phosphates contenus dans les eaux polluées. On aurait donc une prolifération de micro-organismes indésirables et nuisibles beaucoup moins importante et donc une eau de meilleure qualité.
Ainsi, la prise de conscience des dangers liés à l'utilisation excessive d'engrais chimiques a permis le développement d'alternatives. Il est maintenant possible d'apporter des nitrates sans engrais chimiques ou encore de dépolluer des eaux contaminées par des nitrates. Néanmoins ces alternatives demeurent marginales en agriculture face aux engrais qui font de la résistance. Les répercussions sur notre santé et notre environnement liés aux engrais chimiques risquent d'être importantes.




Bibliographies:

·         [1]François Testud. Institut de l’environnement et de la santé : Toxicologie humaine des nitrates : des risques sanitaires surestimés ? [Page consultée le 25/04/2016]

·         [2]S.K.A Danso, D.L Eskew. Comment renforcer la fixation biologique de l’azote. AIEA bulletin, vol 26, n°2.

·         [3]OGHENEBOR, B. Akpor; MOMBA N. B, Maggy. Resarch Article: Relation of protozoan biomass to phosphate and nitrate removal from activated sludge mixed liquor. Biotechnology journal, 29 Septembre 2009.

Webographies:

·         [1°]Verdura. Le développement durable pour tous : Engrais chimiques [page consultée le 12/05/2016] http://www.vedura.fr/economie/agriculture/engrais-chimiques
·         [3°]Unifa. Bien nourrir les plantes pour mieux nourrir l’homme : nitrates et la santé. [Page consultées le 25/04/2016] http://www.unifa.fr/sante-a-alimentation/nitrates-a-sante.html

·         [4°] Le figaro.fr santé : nitrates quels effets sur la santé ? [Page consultée le 11/05/2016] http://sante.lefigaro.fr/mieux-etre/environnement/nitrates/quels-effets-sur-sante

·         [5°]MOLLIER Pascale. Optimiser le cycle de l’azote. INRA, Publié 28/12/15 [Consulté en Avril 2016]  http://www.inra.fr/Chercheurs-etudiants/Agroecologie/Toutes-les-actualites/Regards-d-expert-Comment-optimiser-la-microflore-du-sol

·         [6°]Montpellier Sup Agro. Rhibozium [page consulté le 13/05/16] http://www.supagro.fr/ress­pepites/sol/co/4_4_rhizobium.html


·         [7°]Agriculture nouvelle. JMS. [Page consultée en Avril 2016] http://www.agriculture-nouvelle.fr/azote-atmospherique/