Du XIXème siècle et la révolution industrielle à aujourd’hui,
l’industrie n’a cessé de se développer. Ceci a entraîné une pollution des sols
par les hydrocarbures, les métaux lourds mais aussi par les pesticides utilisés
dans l’agriculture. Cette pollution appauvrit les sols, les rend inutilisables
et dangereux car ils peuvent contaminer les eaux. Face à la croissance de la
population il est important de trouver des moyens adéquats afin de rendre ces
surfaces polluées de nouveau exploitables. La bioremédiation par les
microorganismes est un des moyens que les scientifiques ont trouvé pour faire
face à la pollution des sols. Elle trouve également une application en
agriculture, mais elle possède aussi certaines limites.
Utilisation dans l’environnement
Les microorganismes au service de la dépollution des sols
En développement durable les microorganismes sont la nouvelle solution pour
améliorer la fertilité des sols ou protéger les plantes de maladies sans
utiliser de produits chimiques nuisibles qui tendent plutôt à “stériliser” la
terre en tuant tous les microorganismes sans distinction.
Les microorganismes peuvent aussi être utilisés pour dépolluer le sol des
matières organiques et de métaux lourds, car certains s’en nourrissent.
L’utilisation des microorganismes dans la dépollution des sols est appelée biodépollution
mais on parle plus précisément de bioremédiation.
Les matières organiques, telles que les hydrocarbures, sont les principaux
polluants de notre planète. Pendant longtemps, ils ont été à l’origine d’une pollution
massive dans les milieux aquatiques et dans les sols. Ces matières organiques
proviennent des activités industrielles et agricoles mais également des déchets
de notre vie quotidienne.
Certaines matières organiques sont biodégradables. Ce sont des substances
qui peuvent se dégrader en eau, méthane ou dioxyde de carbone sous l’action de
microorganismes vivants, tels que les bactéries ou les champignons. Les
microorganismes aérobies vont permettre une biodégradation plus lente en
conditions anaérobies et donc plus respectueuse de l’environnement car il y
aura une production de gaz à effet de serre moins intense.
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On connait plusieurs
techniques de biodégradation. Le compostage est une technique que l’on
peut réaliser chez nous, dans notre jardin. Il suffit de rassembler les
matières organiques biodégradables dans un seul endroit favorable à la
multiplication de microorganismes. La première phase est appelée la phase de
décomposition durant laquelle les microorganismes vont attaquer les parois
cellulaires des molécules concernées à l’aide d’une enzyme. Une fois les parois
cellulaires détruites l’intérieur du contenu de la cellule va s’écouler. Lors
de la phase de maturations ce sont les vers (et autres insectes) qui vont venir
manger les restes de la cellule, il n’en restera que des miettes, qui vont
pouvoir se recycler en éléments nourriciers tels que l’eau ou le dioxyde de
carbone.
Cependant, les matières organiques ne sont pas les seuls polluants des
sols. Les métaux sont également d’importants polluants (aluminium, cuivre,
plomb, nickel…) qui eux, à l’inverse des matières organiques, ne sont pas
biodégradables et ne peuvent donc pas être dégradés. Ces métaux proviennent des
apports urbains tels que les transports ou les boues d’épuration des stations
urbaines mais également des apports industriels avec la production d’énergie et
la métallurgie.
Dans les sols, les métaux ont différents comportements. Cela est dû à leur
degré d’oxydation ainsi qu’à leur complexation. Leurs formes chimiques peuvent
également subir plusieurs transformations, d’une part par les différentes
caractéristiques physico-chimiques des sols, et d’autre part par les bactéries
déjà présentes dans les sols. Lorsqu’il y a une modification de la forme
chimique des métaux, il y a aussi une modification de leur biodisponibilité,
c'est-à-dire de leur aptitude à être absorbés par des organismes vivants.
Ainsi pour pouvoir dépolluer les sols des métaux, il faut diminuer leurs
biodisponibilités. Les microorganismes peuvent permettre cela en mettant en jeu
différentes interactions qui permettraient d’augmenter la solubilité des métaux
pour les extraire (=biolixiviation), ou à l’inverse de les immobiliser afin de
les confiner (=biominéralisation).
La biolixiviation est une technique qui fait intervenir des bactéries
d’origine naturelle. Celles-ci vont permettre de solubiliser les métaux en
matière organique biodégradable. Pour cela les bactéries vont puiser leurs
sources d’énergie dans l’oxydation du fer ou du soufre. Ces microorganismes
sont la plupart du temps acidophiles et thermophiles. La biolixiviation se fait
par deux procédés. Les bactéries les plus fréquemment utilisées dans ce procédé
sont du genre Thiobacillus et Leptospirillum.
La biominéralisation est un procédé qui consiste à produire des minéraux
par l’utilisation de microorganismes. La biominéralisation va se faire soit par
réduction en anaérobiose, soit par réduction en aérobiose.
Lors de la réduction en anaérobiose du soufre, ce sont des bactéries
sulfato-réductrices telles que Desulfovibrio, qui vont produire du sulfure d’hydrogène et qui vont
précipiter les cations métalliques sous forme de sulfure insoluble.
Pour la
biominéralisation en aérobiose les bactéries vont produire des précipités
minéraux insolubles de phosphate d’uranyle. Les bactéries utilisées sont du
genre Pseudomonas, Citrobacter et Arthrobacter.
Ainsi, que ce soit pour
des éléments biodégradables ou non, les microorganismes jouent un rôle
important dans la dépollution des sols grâce à de nombreux procédés respectueux
de l’environnement.
Schéma de la biominéralisation du fer issu du site de l’Université Ludwig Maximilian de Munich |
Les microorganismes au
service de l'agriculture
L'agriculture moderne cherche donc à limiter au maximum l'utilisation des
produits chimiques comme les pesticides. L'usage des microorganismes est la
principale alternative à leur utilisation.
Le microorganisme le plus utilisé de nos jours est le Bacillus
thuringiensis (Bt). Cette bactérie aérobie a la capacité,
contrairement aux autres bactéries du groupe Bacillus cereus, de
synthétiser des cristaux protéiques (associations de protéines) ayant une
propriété insecticide sur les larves de lépidoptères, coléoptères et diptères.
Ces toxines agissent sur des récepteurs spécifiques de l’intestin, ce qui
entraine une rupture des cellules de l'intestin de la larve. La larve ainsi
tuée, elle est ensuite consomée par les bactéries.
L'utilisation du Bt
n'est pas nouvelle : il a été découvert en 1901, et a fait son apparition en
environnement dès les années 1930. Dans les années 1950, ce Bacillus est
utilisé dans les forêts, les
champs et les vignobles,
et est énormément utilisé peu après 1970 pour lutter contre les papillons
parasites dans les champs de maïs. En 1976, la découverte de deux nouveaux
sérotypes de la bactérie (israelensis et tenebrionis) permet de
lutter contre les larves de moustiques.
Ces dernières années, les scientifiques s'intéressent de nouveau à cette bactérie,
notamment en génétique avec l'apparition de plantes OGM dites Bt,
capables de synthétiser la thuringiensine, la toxine de Bacillus
thuringiensis. Cette toxine est d'ailleurs utilisée en agriculture
biologique lorsqu'elle est d'origine naturelle, et son avantage est que grâce à
sa haute sensibilité aux rayons UV, elle ne reste que quelques heures sur les
plantes et ne persiste donc pas dans les aliments.
Schéma du mode de fonctionnement de Bacillus thuringiensis issu du site de l’Hindawi Publishing Corporation (2012) |
Mais les microorganismes du sol ne sont pas utilisés uniquement comme
pesticides, ils peuvent également aider la plante à se développer, à grandir ou
à se nourrir, comme un engrais. La plus connue des bactéries ayant pour but
tout cela est le Rhizobium, qui est utilisé afin de remplacer les
engrais azotés, grande source de pollution en nitrate des nappes phréatiques.
Le Rhizobium est une bactérie vivant en symbiose avec les légumineuses :
les plantes vont fournir à la bactérie des substrats carbonés (issus de la
photosynthèse), et la bactérie va fixer l'azote de l'air et le transformer en
ammonium utilisable par la plante.
Ces bactéries "engrais" n'agissent pas nécessairement en symbiose
: par exemple, le Bacillus amyloliquefaciens sp IT45 rend plus soluble
le phosphore dans les sols à pH alcalin où il est fixé par le calcium, et le
rend donc beaucoup plus disponible pour les plantes. Cet exemple montre qu'à
chaque situation difficile pour la culture des plantes, il existe un
microorganisme pouvant régler le problème, que ce soit par symbiose, par simple
action du microorganisme sur l'environnement ou par modifications génétiques.
Limites
De nombreux microorganismes sont présents dans les sols, comme Actinomycètes,
qui joue un rôle dans la décomposition des matières organiques, Bacillus
amyloliquefaciens qui est une bactérie aérobie stricte, colonise les
racines des plantes, ralentit les champignons nuisibles et génère des auxines,
hormones de croissances, et bien d’autres. Les microorganismes assurent la
décomposition de la matière organique en éléments nutritifs comme l’azote et le
phosphore. Ils sont responsables de la dégradation des polluants organiques
tels que les hydrocarbures et les pesticides.
Mais certaines espèces comme Bacillus thuringiensis, jouent le rôle
de pesticide dans les sols. Plusieurs contraintes sont liées à l’utilisation
des spécialités formulées à partir des spores et des cristaux de Bt. Les
doses à utiliser sont différentes en fonction du ravageur (lépidoptères, coléoptères,
diptères), du sérotype, ainsi que de la formulation (en poudre ou liquide) du
produit. Les traitements les plus efficaces sont ceux appliqués sur des
insectes toujours en phase larvaire, il serait donc préférable de connaître le
cycle de développement des parasites visés. De plus, la durée de vie des Bt
dépend des différentes conditions climatiques. En effet, les cristaux sont
inactivés par les rayonnements ultraviolets, et le traitement effectué peut
être remis en question à cause de la pluie puisque la toxine Bt est très
instable en phase aqueuse. Il s’avère également que Bt peut se révéler
toxique pour les animaux à sang chaud. Il a été démontré sur des rats de
laboratoire de type Sprague-Dawley que le poids de leurs poumons augmente tout
comme le taux de l’hydroxyproline pulmonaire après qu’ils aient été en contact
avec la Bt. Se pose aussi le problème de l’impact de la protéine Bt
sur l’environnement : en effet, il y a un risque de toxicité des sols
contaminés, d’accumulation de sédiments toxiques dans les fleuves et dans les
estuaires.
On parle de souches résistantes à Bt depuis déjà quelques années. Le
premier cas a été signalé en 1985 par le chercheur McGaughey. Ce fut une souche
provenant de l’espèce Plodia interpunctella retrouvé dans un silo à
grain et ayant déjà été en contact avec Bt dans son habitat naturel. Il
fut révélé qu’elle était 100 fois plus résistante qu’une souche de laboratoire
non résistante. Une population sauvage d’insectes résistants à Bt a été
observée à Hawaï dans la nature. Il s’agit d’une souche de Plodia xylostella
ayant subi plus de 100 traitements et vivant dans un milieu partiellement
fermé où les échanges génétiques avec d’autres populations sont très limités. Il
s’est avéré par la suite que cette résistance face au Bt était
héréditaire.
Les microorganismes interviennent donc
aussi bien dans la dépollution des sols que dans l’agriculture.
Les deux techniques de biodégradation que sont le compost et les EM reposent
sur la coopération de plusieurs organismes différents pour accomplir leur
mission selon les différentes étapes.
Les microorganismes sont également d’une grande aide pour les métaux lourds qui
sont un réel problème dans la pollution des sols. Ainsi, chaque technique - la
biolixiviation et la biominéralisation en aéro- ou anaérobiose - a ses
bactéries de prédilection qui peut la rendre efficace (respectivement : Thiobacillus
et Leptospirillum, et Desulfovibrio ou Pseudomonas, Citrobacter et Arthrobacter).
On obtient alors une dépollution effective et respectueuse de
l’environnement.
L’agriculture, ayant bien souvent recours aux pesticides, peut également se
tourner vers les microorganismes pour les remplacer efficacement. Pour cela
elle peut compter sur Bacillus cereus qui est la plus utilisée en raison
de sa propriété insecticide naturelle. D’autres bactéries peuvent aussi servir
d’engrais pour améliorer la croissance des plantes ou les aider à se nourrir,
par symbiose avec celles-ci ou simplement par action sur leur environnement, ce
qui permet également de limiter la pollution des sols par des engrais
chimiques.
Cependant, l’utilisation de tous ces
microorganismes doit rester ciblée, adaptée aux nuisibles à éliminer et limitée
afin d’obtenir les effets escomptés, puisque certaines techniques sont
instables et toxiques pour d’autres espèces animales (comme Bacillus
thuringiensis pour les animaux à sang chaud).
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