Acide hyaluronique : secret de jouvence ?

Julien BENSOUSSAN, Sonita ING, Laura LAVENU, Pauline PAQUET, Sandra PESSAH.




L’acide hyaluronique est un polysaccharide appartenant à la famille des glycosaminoglycanes. Il est constitué de polymères de disaccharides composés d’acide D-glucuronique et de N-acétylglucosamine (figure 1). L’acide hyaluronique se trouve principalement dans les tissus conjonctifs, nerveux et épithéliaux. Il est l’un des principaux composants de la matrice extracellulaire. On peut le trouver notamment dans la peau mais aussi dans le liquide synovial. Aujourd’hui, il est largement utilisé dans les domaines de la cosmétique et de la chirurgie esthétique, mais également dans le domaine médical.

L’acide hyaluronique est-il une molécule miracle pour le rajeunissement ?


Propriétés anti-vieillissements de l’acide hyaluronique

Propriété anti-ride de l’acide hyaluronique


Plus de 50% de l’acide hyaluronique se trouve dans la peau [1]. Il est présent essentiellement dans le derme qui est constitué de tissu conjonctif riche en matrice extracellulaire, fibroblastes, élastines et fibres de collagène. Dans le derme, l’acide hyaluronique contrôle la prolifération cellulaire. Tandis que dans l’épiderme, il assure la cohésion cellulaire et également l’hydratation de la peau. De nos jours, l’acide hyaluronique est utilisé dans la cosmétique et la chirurgie esthétique pour combler des rides et rendre la peau plus lisse et rebondie.


            Rôle et mécanisme d’action

L’utilisation de l’acide hyaluronique dépend de son poids moléculaire. L’acide hyaluronique de haut poids moléculaire étant une longue chaîne polymère reste dans l’épiderme et assure ainsi l’hydratation de la peau et la cohésion cellulaire. Alors que l’acide hyaluronique de bas poids moléculaire pénètre dans le derme et stimule la prolifération cellulaire, ce qui augmente l’élasticité et la tonicité de la peau [3].

Selon des études in vitro, l’acide hyaluronique de bas poids moléculaire permet de renforcer la cohésion des kératinocytes et prévient les pertes insensibles en eau voire la déshydratation cutanée [1]. De plus, il permet de stimuler la prolifération de fibroblastes et la sécrétion de pro-collagènes [1]. Ces pro-collagènes sont des précurseurs de molécules de collagène. Ces dernières s’assemblent ensuite pour former des fibrilles de collagène. L’agrégation de ces fibrilles forme finalement des fibres de collagène.

La quantité d’acide hyaluronique chez un individu diminue lorsqu’il vieillit. Ceci conduit à un vieillissement de la peau. Le derme et l’épiderme s’amincissent à cause des pertes de volume et d’élasticité. La formation de rides est due à une dissociation entre les kératinocytes et la déformation de ces derniers dans l’épiderme. De plus, les fibres de collagène, celles d’élastine et les fibroblastes étant les supports de l’épiderme et responsables de l’élasticité de la peau, diminuent lorsqu’on vieillit.


Figure 2 : l’action de l’acide hyaluronique dans l’épiderme et le derme pour combler des rides



L’acide hyaluronique injecté stimule la prolifération cellulaire dans le derme et renforce la cohésion cellulaire dans l’épiderme. De nombreuses composants telles que des fibroblastes, de l'élastine et des fibres de collagènes sont synthétisées et remplissent la couche dermique (figure 2). Celle-ci est rebondie et repousse les couches supérieures vers le haut. Tandis qu’au niveau de l’épiderme, les molécules d'acide hyaluronique dans l’espace intercellulaire rétablissent les jonctions cellulaires entre les kératinocytes, ce qui permet de combler la couche épidermique et de repousser l’enfoncement de la couche cornée (figure 2). La ride est ainsi comblée.




Effets secondaires liés à l’injection locale de l’acide hyaluronique


On peut trouver de l’acide hyaluronique dans certains produits cosmétiques tels que les crèmes anti-âges ou hydratantes. Il se présente également sous forme de produits injectables qui servent dans la chirurgie esthétique pour le comblement immédiat des rides.


La plupart des risques relatifs à l’utilisation de l’acide hyaluronique ont pour origine les injections locales. Les risques sont dus aux mauvaises qualités de produits ou aux mauvaises techniques d’injection. Les effets secondaires peuvent être des réactions transitoires plus ou moins immédiates après l’injection. Par exemple, l’apparition des érythèmes, des ecchymoses, des hématomes, des démangeaisons ou encore des gonflements de la zone traitée, sont possibles après l’injection. [4][5].Ces réactions sont des réactions classiques et temporaires qui peuvent disparaitre en quelques jours après l’injection. Certaines réactions plus rares peuvent apparaître tardivement après l’injection comme des réactions allergiques, des inflammations au niveau des zones traitées et des granulomes. Des granulomes sont des petits nodules indurés originaires d’une réaction inflammatoire locale. Ils peuvent durer entre 1 et 5 ans.

Enfin, l’acide hyaluronique étant une molécule présente naturellement dans la peau, participe au contrôle des activités cellulaires. Ses rôles dépendent de sa taille des polymères. Son utilisation face aux traitements contre les rides est souvent efficace. En revanche, des effets indésirables sont possibles.


          Utilisation de l’acide hyaluronique pour le traitement de l’arthrose


L’acide hyaluronique est donc largement utilisé dans le traitement et la prévention de l’apparition des rides du visage. Mais depuis quelques années il est également  mis à l’essai dans le traitement de l’arthrose. [6-7-8]

Une articulation est la partie du corps faisant la jonction entre deux os. Cette dernière est donc plus ou moins mobile selon sa situation, puisque certains mouvements sont exécutés avec plus ou moins d’amplitude que d’autres. Essentiellement constitué de cartilage, ce système permet de faire glisser les extrémités osseuses les unes contre les autres en limitant au maximum leur frottement, tout en amortissant le poids des charges et les chocs. Ces propriétés viscoélastiques sont dues à la structure même du cartilage : il s’agit là d’un tissu conjonctif très particulier d’aspect translucide dit « hyalin », comportant deux compartiments : les cellules spécialisées du cartilage appelées chondrocytes, et la matrice extracellulaire sécrétée par ces dernières : le liquide synovial.

Ce tissu n’a pas non plus une épaisseur égale au niveau de toutes les articulations. En effet, on remarquera que les articulations travaillant le plus, comme les genoux, possèdent un cartilage d’une épaisseur supérieure à celui des autres. Mais malgré cela, les articulations particulièrement sollicitées sont usées beaucoup plus vite.


                                    

Figure 3 : Schéma fonctionnel de l'articulation du genou et de son vieillissement.
                















En effet, après 20 ans, le nombre de chondrocytes arrête d’augmenter. On possède donc un stock fini de cellules sécrétant le liquide synovial. Au bout d’un certain temps, le cartilage n’assure plus pleinement sa fonction. Il s’use alors de façon mécanique, se fissure et laisse parfois l’os à nu. Si l’os est atteint, il se dégrade, ce qu’on appelle la décalcification, et parfois on observe l’apparition d’excroissances osseuses. Tout cela amenant à des douleurs mécaniques dites chroniques puisqu’elles durent et s’amplifient avec le temps. Ce phénomène est appelé arthrose (voir Figure 3).



Pour améliorer les conditions de vie du patient, l’apaiser et restaurer les fonctions de ses articulations altérées, il faut lui apporter ce qu’il a perdu : le coussin protecteur que constituait en grande partie le liquide synovial. On procède donc à la viscosupplémentation : l’injection d’acide hyaluronique provenant de crêtes de coq ou de bactéries. Cette molécule est réticulée et constitue une sorte de squelette rigide (lorsqu’elle possède un haut poids moléculaire) pouvant fixer des molécules appelées protéoglycanes (PG). Ces PG ont la capacité de grandement s’hydrater, et également de résister à de grandes forces compressives. Le gel ainsi obtenu, directement injecté au niveau de l’articulation blessée, agit ensuite comme le liquide synovial en tant qu’amortisseur vis-à-vis des forces de compression, et en tant que lubrifiant face aux forces de cisaillement et aux frottements. Cette méthode est donc sur le papier tout à faire miraculeuse face à un mal rongeant les populations depuis l’existence même de l’être humain.

De nombreuses études ont été menées, et la plupart vont dans ce sens : elles ont démontré que la viscosupplémentation en acide hyaluronique améliorait globalement la situation des patients ayant suivit ce type de traitement. Ces derniers témoignant d’une réduction de leurs douleurs et de progrès sur le plan fonctionnel.

De plus, plusieurs grands organismes attestent de l’efficacité de cette méthode, avec notamment le Collège Americain de Rhumatologie, L’American Pain Society (AMP), et l’European League Against Rheumatism (ELAR).


Pourtant, de grands doutes persistent. Plusieurs laboratoires obtiennent des résultats beaucoup moins concluants, coïncidant même souvent avec les résultats obtenus lors de l’injection d’un placebo. Une telle proximité amène tout un questionnement sur l’efficacité et la pertinence de cette technique.

De plus, les thérapeutes manquent cruellement d’informations quant au protocole à suivre lui-même lors du traitement des patients. On ignore encore quelle est la fréquence d’injection à respecter, quelle quantité d’acide hyaluronique doit être administrée, quel poids moléculaire utiliser, etc. On aboutit donc à une médecine empirique peu rassurante. Ajoutons à cela qu'un grand nombre de produits existent (plus d’une dizaine) et trop peu d’études comparatives ont été faites.

Pour finir, bien que peu nombreux et localisés, des effets secondaires sont parfois rencontrés, tels que des épanchements ou des douleurs prolongées, ainsi que des risques d’infection inhérents à toute injection.

Par ailleurs, la médecine actuelle à tendance à privilégier le traitement des conséquences de l'arthrose plutôt que les causes mêmes de cette dernière. Les patients ayant de l'arthrose à un seul genou montrent par exemple qu'en plus du vieillissement, d'autres facteurs peuvent entrer en compte dont certains traumatismes au niveau musculaire. Il serait donc judicieux de prendre le recul nécessaire afin de considérer les causes et les conséquences, en couplant par exemple l'injection d'acide hyaluronique avec une gestion efficace des traumatismes pouvant être responsables de cette pathologie (via des massages thérapeutiques, etc. [9]).

En conclusion, cette technique offre bien des perspectives aux personnes souffrant d’arthrose. Néanmoins, il reste à prouver l’efficacité de cette méthode. Il est également nécessaire de définir une réglementation et des normes à respecter par les thérapeutes, les patients devant être traités en confiance et en connaissance de ce dont ils ont recours.

Enfin, il est important de prendre en charge cette maladie en portant son regard sur ses conséquences mais aussi et surtout sur ses origines.


Propriétés anti cancéreuses


L’acide hyaluronique : influence pharmacocinétique et marqueur de certains cancers


Le complexe agent bioactif-macromolécule :

Lorsque l’acide hyaluronique est lié à un médicament, il permet l’amélioration du profil pharmacocinétique de ce dernier. Il va permettre d’augmenter le temps de libération du médicament auquel il est lié (voir fig.3). On peut alors utiliser l’acide hyaluronique avec des médicaments dirigés contre les cancers, afin de diminuer les doses de ces agents très toxiques et d’éviter l'apparition d'effets secondaires dus aux fortes concentrations utilisées. Le mécanisme d’action est similaire à toutes les macromolécules utilisées en combinaison avec un principe actif. Il passe par la  dégradation de la macromolécule libérant progressivement la molécule cytotoxique.

Figure 3 : Représentation schématique de la libération d’un principe actif sans ou avec la présence d’une macromolécule comme l’acide hyaluronique (HA).

Il existe plusieurs types de macromolécules pouvant répondre à ces propriétés comme le N-(2-Hydroxypropyl)methacrylamide (HPMA), les polyglutamates, la sérum albumine humaine (SAH), les dextranes, l’héparine, les polyéthylène glycols (PEG)… et l’acide hyaluronique.

                        Relation entre l’acide hyaluronique et les cancers :


Le cancer est une maladie due à une multiplication non contrôlée et illimitée des cellules malades. Les médicaments dirigés contre les tumeurs sont de nos jours peu spécifiques et très toxiques. Ils génèrent l’apparition d’effets secondaires tels que la perte des cheveux, des nausées... Leur rôle est de détruire les cellules cancéreuses mais à cause de leur non spécificité, ils détruisent également des cellules saines.

L’acide hyaluronique n’a a priori pas de propriétés anticancéreuses lorsqu’il est dans son état naturel chez l’homme. Dans certaines études, il est utilisé pour suivre l’évolution de cancers comme celui de la prostate (1) ou encore celui de la vessie. En général, le taux d’acide hyaluronique est lié au caractère malin d’une tumeur. Pour le cancer de la vessie, il est possible de le détecter en observant la concentration d’acide hyaluronique dans les urines. Quand celle-ci augmente, cela indique la présence d’une tumeur. Ceci peut s’observer à n’importe quel stade d’évolution de la maladie.

Néanmoins des expériences intéressantes décrivent une activité anticancéreuse de l’acide hyaluronique chez le rat taupe nu.


Le rat taupe nu : un espoir face aux cancers


Le rat-taupe nu est un mammifère présent en Afrique de l’Est, vivant en colonies, et connu pour sa longévité et sa résistance aux maladies. En effet, le rat-taupe nu a une durée de vie assez étonnante, allant jusqu’à 30 ans, alors qu’elle est de seulement 4 ans pour une souris de même taille. De plus, il est connu pour sa résistance inhabituelle au cancer. Ceci est dû à l’acide hyaluronique présent dans les cellules de cet animal, dont le poids moléculaire est cinq fois plus lourd que chez les autres mammifères.  


Techniques utilisées à la compréhension du fonctionnement des cellules du rat-taupe nu


En 2009, des chercheurs ont étudié ce phénomène rare. Pour cela, ils décidèrent d’élever in vitro des cellules de rat-taupe. Cette étude a permis de montrer que ces dernières n’avaient pas la même disposition que celles de la souris ou encore celles de l’homme. En effet, au lieu de se coller entre elles comme elles le font chez ces derniers, les chercheurs ont remarqué que les cellules du rat-taupe restaient distantes les unes des autres.  Ceci est notamment dû à l’importance de la matrice extracellulaire. Les chercheurs ont donc tenté de donner une explication valable à ce phénomène.


            Explications scientifiques

Tout d’abord, ils ont découvert que l’enzyme qui permet de morceler l’acide hyaluronique n’exerce pas une activité importante chez le rat-taupe. Ensuite, la prolifération des cellules est identifiée comme étant à la base du développement des tumeurs, mais ils ont démontré que la protéine codée par le gène p16 chez les rats-taupes arrête cette prolifération. Parallèlement, l’acide hyaluronique est reconnu comme étant la substance qui active la réponse anti-cancer du gène p16, ce qui réduit la prolifération des cellules et ainsi, augmente la résistance face aux cancers.

De plus, pour éviter toute blessure dans leur milieu de vie en souterrain, ces petits rongeurs ont développé une peau particulièrement élastique, caractéristique propre à  l’acide hyaluronique.


            Tests confirmatifs

Afin de confirmer leurs propos, les chercheurs ont décidé d’élaborer un test afin de confirmer que l’acide hyaluronique est bien à l’origine des propriétés anti-cancéreuses chez le rat-taupe. Ils ont alors exposé ce petit rongeur ainsi que d’autres mammifères à des protéines qui inhibent les gènes suppresseurs de tumeurs. Cette expérience révèle que toutes les espèces à l’exception du rat-taupe, ont développé un cancer. Ils ont ensuite observé l’impact qu’avait la non-production d’acide hyaluronique chez ces rongeurs, et ont pu rapidement prouver que ceux-ci étaient aptes à développer un cancer. Enfin, un dernier test a été réalisé. En encerclant les cellules du rat-taupe, les chercheurs ont montré que l’acide hyaluronique empêche toute multiplication de ces dernières. De ce fait, aucun développement cancéreux ne peut se produire.


Les scientifiques ont pour objectif d’exposer cet acide aux humains, afin d’observer si cette substance aurait le même effet chez l’homme. Cependant, ils jugent le risque trop important. C’est pour cela qu’ils réalisent des tests sur la souris, afin d’évaluer le risque mais surtout l’efficacité de ce traitement.


Conclusion


L'Acide Hyaluronique, très étudié actuellement, offre ainsi de très nombreuses perspectives pour l’avenir concernant esthétisme et soin.

En effet, son efficacité vis-à-vis du traitement des rides et de l’arthrose, de même que ses propriétés anti-cancéreuses ne sont plus à prouver. Il apparaît donc bien comme une molécule miracle, un élixir de jouvence.


Bibliographie

[1] Acide hyaluronique LW. http://www.etatpur.com/media/synthese_biblio/Fiche-Acide-Hyaluronique.pdf. (consulté le 15/02/2014).

[2] Top santé. Anti-âge : acide hyaluronique, molécule miracle ?. http://www.topsante.com/beaute-et-soins/soins-anti-age/medecine-esthetique/anti-age-acide-hyaluronique-la-molecule-miracle-11409. (consulté le 28/03/2014).

[3] Acide hyaluronique et matrice extracellulaire : une molécule primitive ?. http://www.em-premium.com.ezproxy.u-pec.fr/article/250424/resultatrecherche/2 (consulté le 15/02/2014).

[4] Acide hyaluronique. http://www.em-premium.com.ezproxy.u-pec.fr/article/139878/resultatrecherche/10. (consulté le 15/02/2014).

[5] Dr David PICOVSKI. Les effets secondaires de l’acide hyaluronique.http://docteur-picovski.com/intervention/effets-secondaires-acide-hyaluronique. (consulté le 02/05/2014)

[6] Conrozier T. Reconnaître et prendre en charge une gonarthrose. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 7-0730, 2011.

[7] C.de Jaeger, P. Cherin. L'arthrose, une nouvelle maladie inflammatoire ? Actualités fondamentales et thérapeutiques. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine et Longévité, (2011)3, 116-136.

[8] J. Volante, La viscosupplémentation des petites articulations :  à propos de 84 sportifs. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Journal de Traumatologie du sport 29 (2012), 192-198

[9] Dr. Furter, L'arthrose selon le Dr Furter, Méthode du Dr. Furter. http://.drfurter.ch (consulté le 08/05/2014)

[10] Hyaluronic Acid Conjugates as Vectors for the Active Targeting of Drugs, Genes and Nanocomposites in Cancer treatment.