Helena
BENESTI, Noémie BRASSARD, Juliette BREHAT, Laure CORNEMENT, Etienne
DELANGRE, Liliya GRUSHUK, Xuân-Th NGUYEN
Préservatifs,
implants, patchs ... Parmi les 13 méthodes de contraception dont nous
disposons, la pilule est la plus utilisée par les françaises à 55,5% en 2010
[1].
La
pilule est une contraception hormonale féminine sous forme de comprimé. Elle
s'administre de manière orale et quotidienne, et ne protège pas des infections
sexuellement transmissibles (IST).
Il
existe deux types de pilules :
-
La pilule combinée supprime l'ovulation. Elle contient des dérivés de
l'œstrogène et de la progestérone qui sont des hormones sexuelles produites par
les ovaires.
-
La pilule progestative, comme son nom l'indique, ne contient que le
progestatif. En fonction de celui-ci, elle peut supprimer ou non l'ovulation.
En
terme d'efficacité, les deux pilules sont égales (97-99%). Elles sont
prescrites par un médecin et délivrées sur ordonnance en pharmacie. En fonction
de leur composition en principe actif, les pilules sont classées en
générations. [2]
Effets
secondaires, risques, certaines sont la cible d'un déferlement médiatique.
Notre article traitera des pilules de troisième et quatrième générations qui
sont au centre d'un débat animé suite à plusieurs accidents vasculaires. Les
risques liés à ces pilules seraient deux fois plus importants par rapport aux
pilules des générations précédentes.
HISTORIQUE
La première pilule, Enovid, a été mise au point par
le Dr Gregory Pincus en 1956, aux Etats-Unis, à partir d'une combinaison de
progestérone et d'œstrogène synthétiques. Sa vente sera autorisée en 1960, et
en France en 1967. [3] Mais les pilules contraceptives sont en constante
évolution. On compte aujourd'hui quatre générations de pilules.
La première génération regroupe les pilules
commercialisées dans les années 60. Elles étaient principalement composées
d'œstrogène. Aujourd'hui, il n'en reste plus qu'une en France, la Triella. La
deuxième génération est apparue dans les années 70 et 80. Elle met en œuvre des
progestatifs comme le lévonorgestrel ou le norgestrel, ce qui permet de réduire
les proportions d’œstrogène, et ainsi de diminuer certains effets secondaires
des pilules de la génération précédente. Dans les années 90 apparaît la
troisième génération de pilules, qui sont cette fois-ci composées de trois
nouveaux progestatifs : le désogestrel, le gestodène ou le norgestimate.
La quatrième génération est la dernière à émerger, avec un nouveau progestatif,
la drospirénone. [4]
L’APPAREIL
GENITAL FEMININ
L’appareil génital féminin est composé des
ovaires, des trompes de Fallope, de l’utérus et du vagin. Chaque organe a une
fonction bien définie. Leur activité aboutit à l’implantation d’un embryon dans
la paroi utérine si la fécondation a eu lieu. [5][6]
Les ovaires, au nombre de deux, produisent
des ovules. Lorsqu’un ovule est libéré et capté par la trompe à laquelle il est
relié, on parle d’ovulation. Les ovulations interviennent de la puberté à la
ménopause, au 14ème jour (approximativement, en fonction de la
femme) de chaque cycle menstruel. Cet ovule libéré pourra être fécondé. Les
ovaires ont également une activité sécrétrice. Les glandes mixtes sécrètent de
la progestérone et des œstrogènes. Ce sont ces hormones qui sont la base des
compositions des pilules contraceptives.
Les trompes de Fallope sont des conduits
qui relient chaque ovaire à l’utérus. C’est dans celles-ci que passent les
ovules lors de l’ovulation grâce aux pavillons qui les captent. Dans ces
trompes, les spermatozoïdes vont rencontrer et peut-être féconder l’ovule
sécrété. Elles sont donc l’organe où a lieu la fécondation. L’ovule se déplace
vers l’utérus grâce à l’épithélium cilié recouvrant la paroi interne des
trombes et aux mouvements de la muqueuse. L’activité des cils est augmentée par
les œstrogènes.
L’utérus est la poche dans laquelle se
développe l’embryon qui doit s’implanter au niveau de l’endomètre (c’est-à-dire
la couche interne de l’utérus). L’endomètre s’épaissit lors du cycle de la femme,
aidant l’ovule fécondé à s’accrocher à cette paroi aux alentours du 14ème
jour (phénomène de nidation). S’il n’y a pas eu de fécondation, la couche
superficielle de l’endomètre, véhiculée par une perte de sang, est désagrégée
progressivement et évacuée par l’utérus. C’est les menstruations (règles).
L’endomètre est sensible aux hormones telles que les œstrogènes. C’est donc la
cible des pilules contraceptives. En effet, les hormones de synthèse ne
joueront pas le rôle des hormones naturelles, ce qui annulera l’épaississement
de l’endomètre et la nidation de l’ovule fécondé. [7]
L’utérus est également constitué du col de
l’utérus, fermé par du mucus, perméable aux spermatozoïdes lors de la période
de fécondité et imperméable lors de l’infécondité. C’est à ce niveau que se
faire la séparation entre l’utérus et le vagin. Celui-ci est un conduit
tubulaire. C’est l’organe majeur de la sexualité, permettant le passage des
spermatozoïdes vers l’utérus.
FONCTIONNEMENT
BIOLOGIQUE DE LA PILULE
La
pilule est composée de molécules de synthèse imitant l’œstrogène et la
progestérone qui sont des hormones agissant naturellement sur l’appareil
reproducteur de la femme. La pilule apporte ces hormones à un taux comparable à
celui qu’aurait une femme enceinte, et cela va perturber le cycle menstruel
normal. Ces molécules de synthèse vont exercer un rétrocontrôle sur le complexe
hypothalamo-hypophysaire (comme pourrait le faire l’œstrogène et la
progestérone) [8]. Ainsi, la FSH et la LH vont rester à un taux très bas. Ces hormones
hypophysaires vont par conséquent avoir une action diminuée sur les ovaires qui
ne vont produire qu’en petite concentration l’œstrogène et la progestérone
naturels.
Ces
perturbations hormonales aboutiront à une infertilité temporaire et remédiable.
Tout
d’abord, le pic de LH qui provoque normalement l’ovulation au quatorzième jour
du cycle menstruel sera inhibé. Sans cette ovulation, la rencontre entre un
ovaire et un spermatozoïde est impossible [8], [9].
De
plus, l’augmentation de la production d’œstrogène à partir du 8ème
jour du cycle et celle de la progestérone à partir de l’ovulation (due à la
dégénération du corps jaune) permettent normalement l’épaississement de la
muqueuse utérine (endomètre) et favorisent ainsi l’implantation d’un ovule fécondé.
Sous contraceptif, ces variations n’auront pas lieu et l’endomètre sera
impropre à la nidation [8], [9]. En plus de toutes les conséquences citées
précédemment, ces modifications hormonales vont rendre la glaire épaisse, ce
qui va bloquer le passage des spermatozoïdes.[8], [9]
POLEMIQUE : RETOUR SUR LES FAITS
De nos jours, les femmes disposent d’un
vaste choix de pilules. Encore faut-il connaître les spécificités et dangers
qui sont liés à chacune d’elles. Ces derniers mois, les pilules de troisième et
quatrième générations sont au centre de l’attention. Retour sur un débat qui
laisse de nombreuses femmes dans le doute ...
Tout
commence réellement le 14 décembre 2012 : Marion Larat, jeune femme de 25
ans, dépose une plainte contre les laboratoires Bayer pour « Atteinte
involontaire à l’intégrité de la personne humaine » suite à un sévère
accident vasculaire cérébral qui la prive aujourd’hui de 65% de ses capacités
intellectuelles. [10] Durant 4 mois, elle utilisait Méliane, une pilule de
troisième génération, qui serait considérée comme responsable direct de cet
accident. Depuis, plus de trente femmes ont également engagé des procédures
judiciaires contre des laboratoires commercialisant les pilules de troisième et
quatrième générations. Suite à ces accusations en Janvier 2012, l’Agence
Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) révélait le risque d’un traitement
employé pour son effet à la fois anti-acnéique et contraceptif : Diane 35,
coupable de 4 décès en 25 ans. Mise sur le marché depuis 1987, c’est
315 000 femmes qui usaient de ce moyen de contraception en 2012. [11][12]
DES EFFETS SECONDAIRES PROUVÉS
Toutes les femmes le savent : en choisissant la
pilule comme contraceptif, elles acceptent, en toute connaissance de cause, les
effets secondaires qui peuvent survenir. Ceux-ci incluent le gonflement des
seins, une prise de poids, des nausées, des migraines, mais aussi des troubles
vasculaires et des thromboses veineuses ou artérielles.
Chaque nouvelle génération de pilules était censée
réduire les effets secondaires des générations précédentes. La troisième
génération devait, par exemple, atténuer l’acné et diminuer les risques
cardio-vasculaires [4]. Mais la première alarme est sonnée en
1995, quand l’organisme de pharmacovigilance britannique révèle un risque d’accident
thromboembolique deux fois plus grand avec des pilules de troisième et
quatrième générations qu’avec des pilules de deuxième génération. [12], [13]
De plus, le risque d’une thrombose
veineuse est maximal au début de l’utilisation de la pilule, c’est-à-dire au
cours de la première année, ou même des premières semaines. Ce risque est accru
avec les antécédents familiaux et l’hygiène de vie de la patiente (surpoids,
tabagisme, sédentarité). De plus, la thrombose veineuse peut s’aggraver et
provoquer une phlébite, ou même une embolie pulmonaire. [13], [14]
Une
seconde enquête britannique parue en 2009 a permis de classer les risques
thromboemboliques veineux selon le progestatif. Cette étude permet de démontrer
que suite à la prise d’une pilule de troisième génération les risques sont
jusqu'à 5,58 fois plus importants que sans contraception orale. Pire encore
pour une pilule de quatrième génération où les risques sont multipliés par 7,9.
Depuis, d’autres études, portant notamment sur une vaste cohorte danoise, sont
venues confirmer l’excès de risque. [12]
Les médecins doivent donc prescrire une pilule à une
patiente en fonction de ses antécédents familiaux et personnels, de son
tabagisme et de son état de santé (tension, glycémie, etc.). [15]
CE QUE DISENT LES AUTORITÉS
La
première autorité sanitaire en France à réagir face à l’excès de risques
thromboemboliques est la commission de transparence de la HAS (Haute Autorité
de Santé), qui évalue les médicaments en vue d’un remboursement concernant les
pilules de troisième génération. Dès 2007, elle conseille de ne plus les
prescrire de prime abord. Malheureusement, peu de progrès ont été observés,
comme le déplore Gilles Bouvenot, président de la commission de transparence
HAS : « Mais notre position n’a
pas eu d’impact ». Cette commission émet ainsi un nouvel avis en juin
2012, qui cette fois-ci est intransigeant : « Les nouvelles données disponibles ne permettent même plus de
positionner les contraceptifs oraux de troisième génération en deuxième
intention ». Plus nuisible et n’apportant rien de plus par apport aux
précédents, ils ne méritent même plus d’être remboursés. Quant aux pilules de
quatrième génération telles que Jasmine, Jasminelle ou Yaz, elles ne sont pas
concernées par ce postulat puisqu’elles ne sont pas encore remboursées. [14]
Mais
ce n’est que le 1er Octobre que l’ANSM encourage fortement de
prescrire en première intention un contraceptif de deuxième génération. [12] Le
ministère de la santé soustrait par la suite la HAS pour une expertise de
toutes les méthodes de contraception. Mais pour le professeur Bouvenot,
le message est clair : « Les
pilules de troisième et quatrième générations ont une place extrêmement
restreinte, seulement pour les femmes qui ne toléreraient aucune autre
contraception ».
Docteur
Planty, gynécologue, prescrit couramment des pilules de troisième et quatrième
génération à ses patientes. Malgré les polémiques, elle explique que ces pilules
sont parfois mieux adaptées à certaines femmes que les pilules de deuxième
génération. Elle n’observe pas plus de plaintes ni de symptômes
caractéristiques (acné,
saignements, maux de tête, douleurs dans la poitrine…)
chez les patientes qui utilisent les pilules de troisièmes et quatrième
génération que chez celles qui utilisent les pilules de deuxième génération.
Cependant le docteur Planty privilégie ces dernières, quitte à changer pour une
troisième ou quatrième au besoin. Par ailleurs, celles-ci ne sont pas
remboursées par la sécurité sociale. De plus, les gynécologues ont reçu des
directives afin de favoriser la prescription de pilules de deuxième génération.
D’autres
gynécologues préfèrent ne pas prescrire de pilules de troisième et quatrième génération,
dû au manque d’études sur les effets au long terme.
CONSEQUENCES
Ce
scandale ne demeure pas sans réaction. En effet, ces derniers temps, le
stérilet détrône la pilule. Si la vente globale de contraceptifs en 2013 n’a
pas changé par apport à l’année précédente, les femmes ont considérablement
modifié leur usage contraceptif depuis le tôlé qu’ont généré les pilules de
troisième et quatrième générations. En effet, l’utilisation de ces
contraceptifs oraux a chuté de 45% en 1 an, quand celle des pilules de première
et deuxième générations a augmenté de 30% et celle du stérilet de 47% selon les
dernières données de l’ANSM. [12]
CONCLUSION
La
pilule reste sans doute le moyen de contraception le plus utilisé aujourd'hui.
Composée de molécules synthétiques agissant comme des hormones féminines mais
avec une plus forte intensité, elle perturbe le cycle menstruel de la femme et
rend la fécondation impossible. Facile d'utilisation, assurant la plus grande
efficacité parmi tous les moyens de contraception (97-99%), la pilule a connu
un succès croissant durant quelques décennies suivants sa mise sur le
marché.
Après la commercialisation des
pilules de troisième et quatrième générations, les effets secondaires n'ont pas
tardé à apparaître. Les nouveaux risques, beaucoup plus graves que ceux liés
aux pilules des générations précédentes ont fait l'objet de la polémique durant
quelques dernières années. On a vu que ces risques sont réels car confirmés par
les faits : les accidents vasculaires, les thromboses veineuses avec des
complications possibles en phlébite ou embolie pulmonaire, et même les décès.
Finalement,
suite aux polémiques, ces pilules ont perdu de leur notoriété, et sont
maintenant fortement déconseillées par les organismes de la santé.
L'utilisation des pilules de troisième et quatrième générations a chuté de 42%
en un an, et elles sont de moins en moins prescrites par les gynécologues.
Actuellement, elles occupent une place très restreinte, seulement chez les
femmes auxquelles aucun autre moyen de contraception ne convient.
Ne
possédant pas d'avantages considérables par rapport aux pilules de première et
deuxième générations et présentant de réels dangers pour la santé de nombreuses
femmes, les pilules de troisième et quatrième générations sont désormais en
chute de popularité. La question qu'on pourrait se poser aujourd'hui est :
Doit-on poursuivre la vente de ce moyen contraceptif qui provoque tant d'effets
secondaires ? Et si on continue de les prescrire, serait-ce possible de
diminuer les risques d'accidents dus à leurs utilisation ? De diminuer le
nombre d'effets secondaires?
RÉFÉRENCES
[1] INPES, CONTRACEPTION
: Les Françaises utilisent-elles un moyen de contraception adapté à leur mode
de vie ?, http://www.inpes.sante.fr/70000/dp/11/dp111026.pdf (consulté en mars 2014)
[2] Choisir sa
contraception, La pilule, http://www.choisirsacontraception.fr/moyens-de-contraception/la-pilule/ (consulté en mars 2014)
[3] 8 Mars, Invention
de la pilule contraceptive http://8mars.info/invention-de-la-pilule-contraceptive (consulté en janvier
2014)
[4] LA PRESSE.CA, Des
pilules contraceptives en constante évolution, http://www.lapresse.ca/vivre/sexualite/201301/02/01-4607811-des-pilules-contraceptives-en-constante-evolution.php (consulté en janvier
2014)
[5] Le Figaro Santé, L'appareil
génital féminin : Organes génitaux internes de la femme ?, http://sante.lefigaro.fr/mieux-etre/sexualite/appareil-genital-feminin/oganes-genitaux-internes-femme (consulté en mars)
[6] Le Figaro Santé, Les
ovaires : Qu'est ce que c'est ?, http://sante.lefigaro.fr/sante/organe/ovaires/quest-ce-que-cest (consulté en mars)
[7] Futura Sciences, Trompes
de Fallope, http://www.futura-sciences.com/magazines/sante/infos/dico/d/biologie-uterus-3861/ (consulté en mars 2014)
[8]Doctissimo, Lescontraceptifshormonaux, http://www.doctissimo.fr/html/medicaments/articles/sa_4079_pilules.htm
(Consulté en mars 2014)
[9] Futura Sciences, Comment la pilule contraceptive
agit-elle ?, http://www.futura-sciences.com/magazines/sante/infos/qr/d/sexualite-pilule-contraceptive-agit-elle-689/
[10] L'Express, Olivier
V., VIDEOS. Pilule de 3ème et 4ème génération: le combat de Marion,
L'Express, http://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/videos-pilule-de-3e-et-4e-generation-le-combat-de-marion_1291590.html (consulté en février
2014)
[11] Le Monde Santé, Le
« scandale Diane 35 », antiacnéique détourné en pilule, Cabut S.,
Santi, P., http://www.lemonde.fr/sante/article/2013/01/28/le-scandale-diane-35-antiacneique-detourne-en-pilule_1815006_1651302.html (consulté en février
2014)
[12] ANSM, Pilules
eostroprogestatives et risque thrombotique, http://ansm.sante.fr/Dossiers/Pilules-estroprogestatives-et-risque-thrombotique/Actualite/%28offset%29/0 (consulté en mars 2014)
[13] Santé médecine.net,
Thrombose et pilules de 3ème génération : précisions du CNGOF, http://sante-medecine.commentcamarche.net/faq/8825-thrombose-et-pilules-de-3eme-generation-precisions-du-cngof
(consulté en janvier 2014)
[14] Le prévention des
grossesses non désirées : contraception et contraception d'urgence,
Aubin C., Jourdain Menninger D., Dr. Chambaud, L., http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/104000049/0000.pdf (consulté en avril 2014)
[15] Santé médecine.net, Différences entre pilules de 1ère,
2ème, 3ème et 4ème génération, http://sante-medecine.commentcamarche.net/faq/9337-differences-entre-pilules-de-1ere-2eme-3eme-et-4eme-generations
(consulté en
janvier 2014)